Comment vivre les fêtes alors que l’on est en deuil ?

23 décembre 2024

Un être cher vient de décéder. Les fêtes de fin d'année, Noël ou la Saint-Sylvestre, se préparent. Comment aborder cette période festive alors que la douleur est si vive et que l'on a plutôt envie de se replier sur soi ? Nous avons interrogé la psychothérapeute clinicienne spécialiste du deuil, Laurence Picque.

Comment aborder les fêtes alors que l’on vient de perdre une personne proche ?

Laurence Picque: Avant tout, la personne endeuillée doit s’écouter, car le deuil est une expérience singulière, propre à chacun. Le deuil est une traversée, et sa manière d’être vécue dépend de nombreux facteurs : le contexte familial, social, culturel, l’entourage, ainsi que la personnalité de chaque individu. Il n’est pas nécessaire de se conformer à une sorte d’injonction sociétale qui voudrait que Noël ou le jour de l’An soient absolument des moments de fête. Tout le monde n’a pas à y participer de la même manière, surtout dans des contextes comme le deuil.

S’écouter signifie ne pas céder automatiquement à ces attentes ou aux conseils, même bien intentionnés, de l’entourage. La bienveillance des proches peut parfois se révéler maladroite et ajouter une pression supplémentaire à la personne en deuil. Chacun doit pouvoir déterminer ce qui lui convient : participer aux festivités, ou au contraire, s’en éloigner, si cela semble plus en phase avec ses émotions. Il est tout à fait acceptable de ne pas ressentir l’envie de fêter ces moments lorsque l’on est submergé par la tristesse.

Il ne faut surtout pas se forcer à assister aux fêtes de famille ?

Se forcer à être présent lors des fêtes de fin d’année en famille ou entre amis peut parfois être contre-productif, voire douloureux. C’est le cas, par exemple, si l’on décide de participer uniquement pour la famille ou les enfants, en se disant que l’on ne veut pas les priver de ce moment festif malgré un manque d’envie personnelle. Il y a là un certain paradoxe car ce choix peut renforcer le principe de réalité : la place laissée vide par un proche disparu peut être un rappel tangible de son absence mais s’inscrit aussi dans le processus de deuil. Autour de la table, ce vide peut être à la fois douloureux et porteur de sens, permettant de célébrer la mémoire de la personne disparue.

Cependant, il est tout aussi légitime de ne pas ressentir l’envie de vivre ces fêtes de manière traditionnelle. Dans ce cas, il peut être apaisant de rompre avec les habitudes et de choisir une alternative : partir à l’étranger, passer du temps dans un lieu éloigné du contexte familial. Tout simplement s’autoriser à vivre cette période différemment, sans contraintes.

Le processus de deuil est souvent empreint d’ambiguïtés et de paradoxes. Ce qui peut sembler réparateur pour certains ne l’est pas forcément pour d’autres. Il s’agit donc, encore une fois, de nuancer, de s’écouter et de respecter ses besoins.

Que dites-vous à ceux, endeuillés qui s’empêchent de sourire ou de rire à ces occasions ?

Certaines personnes s’interdisent même de se rendre à des fêtes ou de ressentir des moments de joie, y compris fugaces. Il est fréquent, dans ces circonstances, de se retrouver tiraillé. D’un côté, on peut se sentir profondément seul dans ce que l’on traverse, même très entouré par ses proches. Cette solitude intérieure peut rendre l’ambiance festive difficile à vivre. D’un autre côté, il y a parfois une culpabilité à éprouver du bonheur, à sourire ou à rire, surtout après une perte récente. Cette culpabilité, fait partie du processus de deuil.

Il faut bien comprendre que les émotions liées au deuil ne sont pas uniquement tristes ou mélancoliques. Il est tout à fait possible, et même naturel, de ressentir des instants de joie. Cependant, la culpabilité peut être exacerbée par le regard des autres. Le jugement ou l’incompréhension de l’entourage peut peser lourd, au point d’amener la personne endeuillée à se demander si elle a le “droit” de sourire ou de profiter d’un moment. Elle peut même se sentir coupable vis-à-vis du défunt. Dans ces situations, la personne devrait se recentrer sur ses propres besoins. Le deuil est une expérience profondément intime, et chacun doit pouvoir avancer à son propre rythme, en s’autorisant à vivre ses émotions, qu’elles soient tristes ou joyeuses, sans crainte du jugement extérieur.

Peut-on néanmoins souhaiter une bonne année à une personne endeuillée, en lui souhaitant d’aller de mieux en mieux ?

Il est difficile de savoir comment se comporter avec une personne endeuillée, surtout pendant les fêtes. On a tendance à dire « Bonne année » ou à être joyeux, mais on ne sait pas toujours comment réagir face à une personne qui traverse une grande douleur. Souvent, les personnes endeuillées trouvent insupportables les vœux de bonne année ou de bonnes fêtes. Cela peut sembler dénué de sens, et être douloureux. Toutefois, ces vœux sont généralement dits avec bienveillance, avec l’espoir que la personne retrouve, petit à petit, un peu de joie ou de sérénité.

Par ailleurs, la personne endeuillée semble devenir un « répulsif », et on hésite à lui adresser des vœux. Les proches peuvent choisir de ne rien dire plutôt que de risquer de blesser. Ce silence peut être mal perçu par la personne endeuillée. Il est donc essentiel de faire preuve de bon sens et d’empathie. Il n’est pas nécessaire de multiplier les mots pour montrer sa bienveillance. Un regard appuyé, un sourire sincère, ou même un simple câlin peut parfois en dire plus que des mots. On peut aussi dire des choses simples comme : « Je sais que ce que tu vis est difficile, je ne sais pas quoi dire, mais je te souhaite du courage dans ce que tu traverses ».

Comment faudrait-il agir vis-à-vis de ses enfants si l’un des parents vient de décéder ?

Concernant l’exemple d’enfants ayant perdu un parent, ils se retrouvent avec leur parent survivant, parfois des grands-parents, des frères et sœurs. Dans ce contexte, il peut être bénéfique d’évoquer la mémoire de la personne disparue, mais de manière simple et naturelle, sans rendre l’atmosphère trop lourde. Un moment dédié suffit, évoquer un souvenir commun, et cela peut-être par exemple en plaçant une photo de la personne défunte dans la pièce. Cela permet de rendre la personne symboliquement présente, sans pour autant cristalliser toute l’attention sur son absence. Ce geste simple peut apporter du réconfort tout en permettant de continuer à vivre ce moment en famille.

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Laurence Picque est psychothérapeute clinicienne spécialiste du deuil, formatrice diplômée intervenant pour Happy end. Elle est également la présidente de la Fédération européenne Vivre son deuil.

  • Source : Interview de Laurence Picque (18/12/24)

  • Ecrit par : Hélène Joubert - Édité par Emanuel Ducreuzet

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