Conserver ses ovocytes, une pratique qui se répand
13 février 2024
L’autoconservation pour motif non médical des ovocytes est possible depuis la loi du 2 août 2021 relative à la bioéthique. La demande augmente. Et ça n’est que le début, prédit le Dr Marine Jeantet, directrice générale de l’Agence de la biomédecine.
Dans quelles proportions la demande d’autoconservation non médicale des ovocytes augmente-t-elle ?
Dr Marine Jeantet: L’autoconservation pour motif non médical d’ovocytes (hors maladie) en vue de la réalisation d’une AMP ultérieure est de plus en plus plébiscitée depuis la promulgation de la loi, avec une hausse significative du nombre de demandes de 1ère consultation. Depuis son entrée en vigueur, près de 19 160 demandes ont été recueillies par les centres autorisés. La tendance reste à la hausse puisqu’on recense 7 616 nouvelles demandes au 1er semestre 2023 (selon les derniers chiffres) contre 5 038 au 2e semestre 2022, soit une hausse de 51 % !
Cela se ressent-il sur les délais pour réaliser la préservation de ses ovocytes ?
Pas encore à ce stade. Au niveau national, ce délai reste constant à 8 mois. Le délai de prise en charge a même nettement diminué en Ile-de-France, région la plus en tension, passant de 24 mois en décembre 2022 à 14 mois au 30 juin 2023. Mais cette diminution, en particulier en Île-de-France, peut être artificielle, car les femmes se tournent parfois vers des centres à l’étranger. La tendance à la hausse affecte également d’autres villes, car de nombreuses jeunes femmes franciliennes se tournent vers les centres en régions. Comme il n’y a pas de régulation nationale, le système actuel permet à une femme de déposer plusieurs demandes dans différents centres, accentuant ainsi la saturation du système. En effet, si une femme est prise dans un centre, les autres ne seront pas tenus au courant, privant d’autres femmes de places finalement disponibles. Une réflexion est en cours pour régler cette situation.
Faut-il se tourner vers l’étranger ?
Selon les premières indications, l’autoconservation d’ovocytes à l’étranger est encore peu pratiquée. Une explication serait que de nombreuses femmes ne sont pas au courant du possible remboursement de cette démarche par le Centre National des Soins à l’Étranger (CNSE), une disposition unique en Europe. Cela peut aussi s’expliquer en partie par le fait que les dépenses à l’étranger, telles que l’hébergement et le transport, ne sont pas couvertes, et il reste souvent un reste à charge. Malgré cela, le remboursement des soins permet aux jeunes femmes de procéder à l’autoconservation à l’étranger dans des délais raisonnables, ce qui pourrait devenir une pratique de plus en plus fréquente dans un avenir proche.
L’auto-conservation est-elle en train de devenir la norme ?
La tendance à la hausse de l’auto-conservation non médicale d’ovocytes devrait se poursuivre. Cela pourrait même devenir une pratique courante à l’approche de la trentaine, notamment chez les nouvelles générations de femmes qui ont une relation différente avec la maternité. La loi autorise le prélèvement d’ovocytes chez la femme à compter de son 29e anniversaire et jusqu’à son 37e anniversaire.
Dès 29 ans, les femmes devraient envisager cette possibilité ?
Le message adressé aux jeunes femmes est clair : si elles envisagent de procéder à une autoconservation ovocytaire, elles devraient agir dès l’âge de 29 ans. Les ovocytes sont de meilleure qualité à un jeune âge, pour des raisons biologiques qui favorisent la procréation vers 25 ans. Ainsi, pour accroître leurs chances futures, les femmes sont encouragées à entreprendre cette démarche plus tôt. Tout en étant conscientes que l’autoconservation n’est pas une garantie de grossesse à un âge avancé. Le législateur a d’ailleurs posé une limite d’utilisation de ses ovocytes congelés jusqu’à l’âge de 45 ans, avec une possibilité de réutilisation jusqu’à la veille des 45 ans. Cependant, dès l’âge de 40 ans, il devient difficile de trouver des centres disponibles en raison d’une demande croissante. Les équipes médicales qui pratiquent l’AMP ont tendance à privilégier des personnes plus jeunes, maximisant ainsi leurs chances de succès.
-
Source : Interview du Dr Marine Jeantet, directrice générale de l’Agence de la biomédecine
-
Ecrit par : Hélène Joubert - Edité par : Emmanuel Ducreuzet