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« La constipation reste encore un sujet tabou », constate le Dr Vincent de Parades, chef du service de proctologie médico-chirurgicale à l’hôpital Paris Saint-Joseph. « Et pourtant, je ne connais pas de pathologie plus fréquente. Il est essentiel d’en parler sérieusement, sans détour. »
« On parle de constipation dès lors qu’on a moins de trois évacuations spontanées par semaine, mais aussi en cas de difficultés à aller à la selle, même si le rythme d’évacuation est quotidien », explique le Dr Carole Prothe, gastro-entérologue et proctologue à l’hôpital Paris Saint-Joseph. « Cela peut être des selles dures, une sensation d’évacuation incomplète ou un besoin de pousser pour y parvenir. Quant à la notion de chronicité, elle s’applique lorsque ces troubles persistent depuis plus de trois à six mois. » Selon le Dr Prothe, « dans 90 % des cas, il n’y a pas de maladie sous-jacente : on parle alors de constipation idiopathique. Elle est souvent liée à une mauvaise alimentation, au manque d’activité physique, au stress ou à des situations inhabituelles (comme un voyage). Certaines pathologies peuvent cependant être en cause, comme l’hypothyroïdie, le diabète, des pathologies proctologiques, neurologiques…, d’où l’intérêt de consulter au moins une fois pour vérifier la fonction thyroïdienne par exemple, si votre médecin le juge nécessaire. »
S’il peut concerner tout le monde, ce trouble digestif touche plus sévèrement certaines populations. Les personnes âgées, d’abord. « Elles bougent souvent moins, boivent peu, sont atteintes de plusieurs pathologies et prennent de nombreux médicaments, dont certains favorisent la constipation : antidépresseurs, antalgiques, antiparkinsoniens… Chez les femmes, la constipation est deux fois plus fréquente que chez les hommes. Elles sont parfois plus sensibles à ces troubles, même si aucune cause médicale n’est identifiée. »
De manière générale, selon le Dr Parades, « le mode de vie joue un rôle majeur : beaucoup de gens n’écoutent plus leur besoin d’aller à la selle, parce qu’ils n’ont pas le temps, ou parce que les toilettes sont inadaptées, au travail ou ailleurs. Résultat : les selles s’accumulent, se durcissent, et la sensation de besoin disparaît. »
Avant d’envisager tout traitement médicamenteux, la constipation se prend en charge en priorité par des mesures simples, mais souvent négligées « L’activité physique est primordiale : pas besoin de faire du sport intense, marcher suffit amplement », indique le Dr Prothe. « Il faut également boire suffisamment – au moins 1,5 litre par jour – et privilégier les eaux riches en magnésium. Ensuite, il est conseillé de consommer davantage de fibres, qu’on trouve dans les légumes secs, les produits céréaliers complets et les graines (graines de chia, son d’avoine…). Attention, il vaut mieux augmenter progressivement les fibres et favoriser les fibres solubles pour éviter les ballonnements. »
Quand l’activité physique, l’hydratation et l’alimentation adaptée ne permettent pas un retour à un transit normal, un traitement médicamenteux peut être envisagé. « Il existe quatre grandes familles de laxatifs : les mucilages (graines de Psyllium qui absorbent jusqu’à 8 fois leur volume en eau), qui agissent comme des fibres alimentaires et que je recommande souvent en première intention. Les laxatifs osmotiques, qui apportent de l’eau dans le côlon pour ramollir les selles. Ils sont efficaces quand les mucilages ne suffisent pas. Viennent ensuite les lubrifiants et stimulants, qui ne sont pas utilisés en première ligne de traitement. »
Utilisés de façon ciblée, les suppositoires effervescents ont un rôle bien spécifique. « Ils sont particulièrement utiles en cas de constipation terminale, c’est-à-dire lorsque les selles sont bloquées dans le rectum. Le suppositoire dégage du gaz, augmente le volume local, stimule la contraction du rectum et déclenche l’envie. C’est aussi très utile notamment après la ménopause ou après plusieurs accouchements. Certaines femmes peuvent en effet présenter un relâchement du périnée, provoquant une rectocèle (une sorte de « poche » dans laquelle les selles stagnent). Ces femmes peuvent développer une incontinence car leur rectum reste plein. Les suppositoires permettent alors de vider le rectum et d’éviter ces fuites, améliorant considérablement leur qualité de vie. » Pour le Dr Parades, « c’est un traitement local qui fonctionne bien, notamment dans les constipations terminales. En plus, les suppositoires effervescents sont l’un des rares traitements de la constipation à avoir été évalués par des essais randomisés, avec des résultats supérieurs. » N’hésitez pas à en parler à votre pharmacien.
Selon le Dr Prothe, une constipation d’apparition brutale, accompagnée de douleurs abdominales ou de sang dans les selles, doit faire évoquer une cause organique. « Il peut alors y avoir une indication à réaliser une coloscopie pour rechercher un polype ou une tumeur. C’est au médecin de juger, mais il faut consulter, car certains cancers du côlon peuvent débuter par une constipation liée à un blocage du transit. »
À l’hôpital Paris Saint-Joseph, le service de proctologie médico-chirurgicale est l’un des plus actifs de France. Référence nationale, il combine expertise clinique, activité chirurgicale soutenue et formation de haut niveau. « Face aux idées reçues et aux conseils trop généraux, l’équipe de Saint-Joseph défend une approche personnalisée, concrète et sans détour. Une manière d’ouvrir le dialogue… et de soulager durablement les patients », conclut le Dr Parades
Source : Interviews des Drs Carole Prothe et Vincent de Parades, juillet 2025
Ecrit par : Emmanuel Ducreuzet ; Édité par Vincent Roche