Contraception : ne vous fiez pas qu’à Internet
24 janvier 2023
Chercher des infos sur Internet, sur à peu près tous les sujets, n’importe quand. C’est un réflexe pour nous tous ou presque. Le problème, c’est que les contenus qu’on y trouve ne sont pas toujours très fiables, notamment en matière de contraception. Et que cela augmente le risque de grossesses non désirées.
Sur la peau, en cuisine, pour le ménage, le jardin… Le naturel a le vent en poupe. C’est également le cas en matière de contraception, ont pu constater des chercheuses américaines de l’Université du Delaware, spécialistes de la communication en matière de santé publique. Elles ont mené une vaste étude de contenus issus de la plateforme YouTube, afin d’évaluer la nature des conseils dispensés par des influenceuses sur ce thème.
Les chercheuses ont ainsi identifié une cinquantaine de vidéos dans lesquelles des influenceuses suivies par 20 000 à 2,2 millions de personnes évoquaient leurs expériences en matière de contraception. Postées sur YouTube entre décembre 2019 et décembre 2021, ces vidéos ont ensuite été analysées pour évaluer les discours des influenceuses à l’égard de la contraception hormonale, qui comprend la pilule, les implants et les injections intramusculaires, et la contraception non hormonale, comme les préservatifs ou les applications de suivi du cycle menstruel.
Arrêt de la pilule
Sans surprise, l’arrêt de la contraception hormonale faisait partie des aspects le plus souvent abordé par les productrices de contenus : 74% disaient l’avoir arrêté ou prévoyaient de le faire. Pour justifier cette décision, elles évoquaient « le désir d’être plus naturelle (44%), d’améliorer ou de protéger leur santé mentale (32%), et la prise de poids (20%) » attribuée à ce type de contraception.
En parallèle, environ 40% des influenceuses disaient utiliser ou avoir déjà utilisé des méthodes de contraception non hormonales, et tout particulièrement les applications de suivi du cycle menstruel. Leurs arguments : elles contribuent à la prévention des grossesses (22%), sont une méthode plus naturelle (16%) et qui créent moins d’effets secondaires (4%).
Température basale
Pour l’autrice principale de l’étude, Emily Pfender, la popularité de ces applications est problématique : d’abord parce qu’elles sont beaucoup moins fiables que les contraceptions hormonales pour prévenir des grossesses non désirées. Mais aussi parce que les influenceuses n’évoquent pas « la quantité d’efforts et la planification méticuleuse que nécessite le suivi des cycles. »
Ainsi, rappelle la chercheuse, pour être sûres d’éviter une grossesse, « les femmes doivent mesurer fidèlement la température basale du corps et la viscosité de la glaire cervicale à la même heure chaque jour, suivre la longueur des cycles pour calculer leur fenêtre fertile et s’abstenir d’avoir des rapports sexuels pendant des jours spécifiques de leur cycle ». Des contraintes que n’évoquent pas les productrices de contenus.
« Problème de santé publique »
A quel point ces contenus influencent-ils celles et ceux qui les regardent ? Quelle est le réel pouvoir de prescription des influenceurs ? Cette étude ne le dit pas, mais d’autres ont montré que les plus jeunes considèrent les influenceurs comme très dignes de confiance, d’autant plus qu’ils donnent des informations personnelles susceptibles de renforcer les liens avec leurs « followers ».
D’où cet avertissement d’Emily Pfender : elle estime que « les vidéos des influenceurs qui découragent l’utilisation d’une option très efficace pour le contrôle des naissances et n’encouragent pas l’utilisation d’autres formes de protection pour prévenir la grossesse et les infections sexuellement transmissibles constituent un problème de santé publique ». Elle incite les jeunes à évaluer de manière critique les informations sur la santé qu’ils reçoivent via les médias sociaux, et à s’informer via d’autres sources.