Contre le paludisme : la résistance s’organise
29 janvier 2013
En 2011, dans le monde, 655 000 personnes sont mortes du paludisme. Dans plus de huit cas sur dix, les victimes avaient moins de 5 ans. ©Destination Santé
En octobre 2011, l’Agence européenne du Médicament autorisé un nouveau médicament contre le paludisme. La lutte contre cette maladie infectieuse – l’une des plus meurtrières qui soient- bénéficie désormais d’une arme nouvelle pour faire pièce aux millions de contrefaçons et autres médicaments frelatés actuellement en circulation. Etat des lieux.
L’OMS dit ‘ACT’. Actuellement, le traitement du paludisme repose sur des associations médicamenteuses comportant de l’artémisinine (ACT). Selon les estimations de l’OMS, 80 pays ont adopté les ACT comme traitement de première intention du paludisme à Plasmodium falciparum – le principal parasite en cause – « non compliqué ».
Le dernier traitement approuvé contre cette forme de paludisme – l’Eurartesim® – est une combinaison fixe de deux molécules : la dihydroartémisinine et la piperaquine. Il a été développé grâce à un partenariat public-privé associant Medecines for Malaria Venture (MMV – une structure notamment financée par la Fondation Bill et Melinda Gates pour coordonner la recherche et le développement sur le paludisme), l’Université d’Oxford (Grande-Bretagne) et le laboratoire italien Sigma-Tau.
Le Dr Andreas Diedenhofen, son Directeur international en charge des affaires médicales, a été au cœur du développement du nouveau médicament. « La classe des ACT est effectivement la plus efficace », explique-t-il. « Les dérivés de l’artémisinine sont les molécules les plus efficaces. Ils pénètrent à l’intérieur de Plasmodium et y délivrent des radicaux libres mortels pour le parasite ».
Le deuxième effet qui tue…En fait, la plupart des parasites sont tués. Mais « il en reste toujours 5% à 6%… », poursuit le médecin. « C’est justement à cause de ces quelques parasites rémanents que le risque de résistance est très élevé, et que l’OMS a interdit l’utilisation de l’artémisinine seule. A ce stade en effet intervient la deuxième molécule utilisée dans le cadre du traitement : la pipéraquine chez nous ou la luméfantrine pour le laboratoire Novartis (qui produit une autre association fixe d’artémisinine, n.d.l.r.). Cette deuxième molécule termine en quelque sorte le travail entamé par l’artémisinine ». Et toujours pour lutter contres les résistances, le Dr Diedenhofen recommande à une personne « qui aurait plusieurs accès palustres en cours d’année, d’utiliser en alternance les ACT disponibles. Et non pas toujours la même ».
Au niveau politique, la question reste toutefois de savoir comment une nouvelle molécule peut être rendue disponible à un prix abordable dans les pays en développement. « Le système est basé sur un partenariat public-privé très transparent », enchaîne le Dr Diedenhofen. « En principe un laboratoire comme le nôtre négocie un prix avec le Fonds Global, à 1,60 US$, plus ou moins 10%-15%. Cela correspond à la somme totale que nous obtenons à la fin du processus. Ce partenariat nous permet donc de proposer la boîte d’Eurartesim® à 5 ou 10 centimes de dollars, aux grossistes dans les différentes zones d’endémie ».
Ce tarif très bas est aussi rendu possible par une politique de prix plus élevés à destination des populations des pays développés. « C’est vrai sur le principe », admet le Dr Diedenhofen qui ajoute toutefois que « les quantités vendues pour traiter le paludisme en Europe sont très limitées. D’une manière générale, pour un produit de ce genre, qui contribue à réduire la mortalité aux pays endémique, notre objectif reste le ‘no profit no loss’. » Pas de gains, pas de perte.
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Source : Interview du Dr Andreas Diedenhofen, 14 décembre 2012 - The Lancet Infectious Diseases, Vol.12, 488-96 – Rapport 2012 sur le paludisme dans le monde - Rapport 2011 sur le paludisme dans le monde - Bulletin de l’OMS, Vol.88, avril 2010, 241-320 – OMS, 9 mars 2010