Contre les cancers du sein et du poumon : la chimiothérapie pas automatique ?

04 juin 2018

Grâce au test génétique Oncotype DX, il est possible de prédire le risque de récidive chez des femmes atteintes d’un cancer du sein. Et d’éviter la chimiothérapie dans certains cas. Dans le cancer du poumon, l’immunothérapie peut s’avérer plus efficace que la chimiothérapie. Des avancées révélées ce 3 juin à Chicago lors de l’American Society of Clinical Oncology (ASCO). De bonnes nouvelles, pour autant « on ne parle pas de fin totale de la chimiothérapie », explique le Pr Laurent Zelek, chef de service oncologie à l’hôpital Avicenne (AP-HP) à Paris.

A ce jour, le cancer du sein se traite par chirurgie puis par un cycle de chimiothérapie et une prescription d’hormonothérapie pendant 5 ans. Mais selon des chercheurs new-yorkais, la prescription de chimiothérapie ne serait pas toujours indispensable. Les résultats de l’étude TAILORx, présentés à l’ASCO ce 3 juin, le prouvent. Au sein de cet essai clinique, 6 711 patientes ont été suivies pendant 9 ans.

Toutes ont passé le test Oncotype DX, basé sur l’analyse de 21 gènes. Grâce à un prélèvement de tissus tumoraux chez des patientes atteintes d’un cancer du sein, ce dernier permet de prédire quelles femmes peuvent éviter la chimiothérapie sans prendre de risque de récidive. Fonctionnant sur le principe de la signature génomique, le test établit un score entre 0 et 100. Jusqu’ici, en dessous de 10 la chimiothérapie n’était pas nécessaire. En revanche, elle était fortement conseillée au-dessus de 25. Ainsi, les femmes dont le score était compris entre 11 et 25 se trouvaient dans une sorte de « flou » thérapeutique.

Eviter les effets indésirables…

Deux groupes ont donc été formés : le premier a pris l’hormonothérapie, le second suivi une chimiothérapie et l’hormonothérapie. Résultats, « à 9 ans, les deux groupes observaient sensiblement les mêmes taux de survie : 83,3% avec l’hormonothérapie seule, et 84,3% avec l’association hormonothérapie-chimiothérapie ».

Et selon le test Oncotype DX, « parmi les patientes candidates à une chimiothérapie, 70% des femmes diagnostiquées pourraient éviter ce traitement », décrit le Dr Joseph A.Soprano**, principal auteur de l’étude. Ces dernières femmes seraient épargnées par les effets indésirables souvent rapportés : « des nausées, la perte de cheveux, mais aussi une fragilité du muscle cardiaque et des nerfs. Les patientes sont aussi surexposées au risque infectieux et à la leucémie sur le long terme. »

La seule hormonothérapie pourrait donc suffire pour certaines patientes. Mais comme le précise le Pr Zelek, « cette approche induit elle aussi des effets indésirables : des bouffées de chaleur, une prise de poids, un sur-risque d’ostéoporose et vasculaire. Tout dépend des femmes qui ne supportent pas toutes les traitements de la même façon. »

Mais toutes les femmes ne sont pas concernées par cette étude présentée à l’ASCO. Ces résultats valent uniquement pour :

Celles diagnostiquées à un stade précoce ;
Celles chez qui la taille de la tumeur mesure entre 1 et 5 centimètres ;
Celles chez qui la tumeur n’a pas envahi les ganglions lymphatiques  ;
Celles dont la tumeur est sensible aux œstrogènes*** ;
Celles qui sont négatives au test à la protéine HER2 ;
Celles qui ont un score entre 11 et 25 au test Oncotype DX .

En France, cette forme de cancer qui rassemble tous ces critères représente la moitié des diagnostics de tumeurs du sein.

Autre point, « les femmes de moins de 50 ans doivent automatiquement bénéficier d’une chimiothérapie même si les résultats génétiques suggèrent une autre approche », insiste le Dr Soprano.

« La chimiothérapie ce n’est pas fini, on l’utilisera mieux »

A l’heure de la personnalisation des prises en charge, « ces résultats sont très positifs », relève le Pr Zelek. « On a longtemps sous-estimé l’hétérogénéité des cancers, maintenant on cible beaucoup mieux la prise en charge en fonction de la nature des tumeurs. Pour autant, le choix de l’hormonothérapie seule concerne un groupe précis de patientes. La chimiothérapie ce n’est pas fini, on l’utilisera mieux. »

Dans le cancer du poumon, le caractère non automatique de la chimiothérapie a fait aussi parler de lui à l’ASCO. Dans le domaine de l’immunothérapie, l’efficacité de la molécule pembrolizumab du laboratoire MSD (Keytruda) a été comparée à celle de la chimiothérapie. Résultats, les patients sous pembrolizumab ont vécu 4 à 8 mois de plus comparés à ceux qui ont bénéficié de la chimiothérapie seule. Et seulement 18% des patients sous pembrolizumab ont souffert d’effets indésirables contre 41% dans le groupe chimiothérapie. « Mais seuls 20% des patients répondent à l’immunothérapie. Quand cette approche fonctionne, les bénéfices sont radicaux », explique le Pr Zelek.

« Mais la chimiothérapie reste un standard sauf cas particulier. Il ne faut pas être exagérément optimiste », précise le Pr Zelek. « A nous médecins de bien informer les patients sur la nature de leur cancer et la balance bénéfice risque de chaque approche thérapeutique disponible. »

 

 

* L’hormonothérapie est connue pour augmenter la survenue de bouffées de chaleur, la prise de poids et des douleurs aux extrémités et dans les muscles.
**Montefiore Medical Center, New-York
***Cancer hormonodépendant

  • Source : Interview du Pr Laurent Zelek, chef de service oncologie à l’hôpital Avicenne (AP-HP) à Paris. Adjuvant Chemotherapy Guided by a 21-Gene Expression Assay in Breast Cancer, The New England Journal of Medicine, American Society of Clinical Oncology (ASCO), le 3 juin 2018

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