Covid-19 : « du jamais vu » selon les cardiologues

07 mai 2020

Pour la majorité des patients, le Covid-19 reste une pathologie bénigne. Mais dans 5% des cas, cette forme de coronavirus s’aggrave avec des profils clairement atypiques. Zoom sur les deux phases de la maladie et la question de l’immunité post-infection, avec le Pr Ariel Cohen, président de la Société Française de Cardiologie (SFC).

« La première phase de la maladie est la phase infectieuse. Elle correspond à ce que l’on connaissait déjà des syndromes de détresse respiratoire aiguë infectieux », détaille le Pr Ariel Cohen, président de la Société Française de Cardiologie (SFC). « La particularité avec le Covid-19, c’est que le cortège inflammatoire est particulièrement marqué. »

Du « jamais vu »

Passé ce stade de la maladie, « nous avons vu des situations cliniques que nous n’avions jamais vues auparavant », détaille le Pr Cohen. Précisément, des degrés d’inflammation* extrêmement importants ont été rapportés, avec « des taux de protéine C-reactive (CRP) supérieurs à 300 mg/l de sang », pour une valeur inférieure à 6 mg/l quand tout va bien. Idem concernant « les taux de fibrinogène, autre protéine marqueuse de l’inflammation, qui ont pu dépasser les 10 g/l à 12 g/l », contre 2 g/l à 4 g/l dans les situations non pathologiques. Autant d’éléments prouvant « l’extrême sévérité du cortège inflammatoire », poursuit le Pr Cohen.

Une réponse inflammatoire inadaptée ?

« Cette réponse immunitaire, à la base vertueuse » pour aider l’organisme à se défendre devient en fait source de complications. « Pendant cette seconde phase, l’organisme va développer un certain nombre de mécanismes pour lutter contre cette infection virale. La stimulation des cellules inflammatoires aboutit au relargage des cytokines dans l’organisme. » Ce phénomène déclenche la survenue « de lésions vasculaires et de retentissement systémique du syndrome inflammatoire grave ». Cette seconde phase est redoutable : elle présente un risque important de « défaillances polyviscérales cardiaques, rénales, hépatiques…»

Et après la maladie ?

L’immunité post-infection pose ensuite question, quand le patient est en phase de convalescence. A ce sujet, « nous sommes inquiets car pour le moment les réponses sérologiques testées dans nos hôpitaux montrent que le délai d’apparition des anticorps peut être différé. Beaucoup de patient sont testés et parfois n’ont pas d’anticorps à J+15, et même plus tardivement. On commence à avoir des données mais on met en cause la fiabilité de certains tests en attente de validation et de marquage. Beaucoup de questions restent en suspens sur l’immunisation au Covid-19 des patients atteints par ce coronavirus ».

Sans compter la présence incertaine d’anticorps spécifiques. « Quand on regarde le type d’anticorps détectés, on cherche les anticorps neutralisants, ceux qui permettent de montrer que l’organisme a appris à lutter contre la maladie. Mais les résultats sont discordants. Certains patients ne semblent pas avoir d’anticorps neutralisants. »

Un sur-risque de diabète ?

Enfin, les conséquences potentielles de la maladie restent à ce jour incertaines. « Il faut se rappeler de ce qui s’est passé avec l’infection au SARS-CoV-1 et l’infection H1N1. Deux phénomènes consécutifs à ces épidémies ont été décrits : des cas de fibrose interstitielle pulmonaire et un taux d’affection métabolique élevé avec l’augmentation de diabète de dyslipidémie apparaissant dans un second temps. » Quelques études font état de cette corrélation, et mettent notamment en avant « une multiplication par 10 du risque de diabète chez les patients atteints par le SARS-CoV-1 ».

Pour résumer, « on ne peut pas dire qu’on est guéri après une infection », confirme le Pr Cohen. D’autant que « beaucoup de données manquent sur l’apparition de ces anticorps et la fiabilité des tests pour se prononcer » sur la preuve et la durée précise d’une immunisation contre le SARS-CoV-2.

*protéines marqueurs de l’inflammation secrétées par le foie

  • Source : Interview du Pr Ariel Cohen, président de la Société Française de Cardiologie (SFC), le 24 avril 2020

  • Ecrit par : Laura Bourgault - Edité par : Emmanuel Ducreuzet

Aller à la barre d’outils