Covid-19 : le port du masque pour tout le monde, une fausse bonne idée ?
28 février 2020
Tatyana Azarova/shutterstock.com
Le Covid-19 se propage de jour en jour. Par crainte d’être contaminé, beaucoup s’équipent de masques. A ce jour, ces dispositifs restent recommandés chez les patients infectés ou à risque uniquement. Les précisions du Pr Jean-François Gehanno, chef du pôle Santé publique, Évaluation et Support médical du CHU de Rouen et membre du Haut Conseil de la Santé Publique.
Destination Santé : les masques font couler beaucoup d’encre en ces temps épidémiques. Mais de quels masques parle-t-on ?
Pr Jean-François Gehanno : Il n’existe pas un masque, mais des masques. On peut distinguer :
Les masques chirurgicaux ne sont pas recommandés aujourd’hui. Ils sont conçus pour protéger l’entourage plus que la personne qui porte le masque, mais ces dispositifs font aussi barrière. Ils protègent la personne de la pénétration de grosses particules dans l’organisme. Ces particules sont notamment émises lors de la respiration de patients infectieux, en cas de grippe, de coqueluche, du streptocoque notamment. Si les particules sont de petites tailles, elles vont pouvoir s’infiltrer – à la manière d’un gaz – par les côtés du masque. On estime que ces masques laissent passer 30% à 40% d’air.
Les masques de protection respiratoire, portés par des soignants exposés à des patients atteints de certaines maladies infectieuses transmises par des fines gouttelettes, comme la varicelle, la tuberculose, la rougeole. Ces masques sont dotés d’un filtre très adhérent au visage. La fuite d’air est réduite de 8% comparée aux masques chirurgicaux, pour les filtres de catégorie 2 (respectivement 22% et 2% pour les filtres 1 et 3). Plus ces masques sont efficaces, plus il est inconfortable car la surface d’adhésion avec la bouche gêne la respiration.
Les masques anti-pollution : selon leur filtre de protection, ces derniers peuvent filtrer certains virus ou bactéries. Mais quand il s’agit des masques plutôt cosmétiques, la protection reste illusoire.
DS : pour se protéger du Covid-19, quels masques les soignants doivent-ils porter ?
Pr Jean-François Gehanno : Lors de l’épidémie de grippe H1N1 en 2009, des doutes sur le mode transmission ont persisté, entre les gouttelettes et petites particules. Par précaution, le masque de catégorie 2 (FFP2) avait été recommandé. Nous sommes dans la même situation avec le coronavirus, a priori plutôt transmis par gouttelettes. Les soignants doivent donc porter un masque de protection respiratoire.
DS : et dans la population générale, dans quels cas le port du masque est recommandé ?
Pr Jean-François Gehanno : le masque de protection doit uniquement être porté par les patients positifs au Covid-19, les personnes présentant des symptômes de type grippaux pour éviter de contaminer leur entourage. Et celles revenant de zones dans lesquelles le coronavirus circule de façon active. Ces pays à risque sont la Chine, Singapour, la Corée du Sud ainsi que les régions de la Vénétie et de la Lombardie (Italie). En revanche, l’efficacité du port du masque par un individu sain dans les lieux publics pour se protéger d’une contamination n’a jamais été prouvée. En l’état actuel des choses, cet usage du masque ne se justifie pas. Si l’on arrive à une pandémie massive, la question pourra se poser. Et le port du masque pourra être recommandé dans la population générale, comme c’est d’ailleurs le cas lors de l’épidémie de grippe classique.
DS : comment utiliser un masque ?
Pr Jean-François Gehanno : Les masques chirurgicaux sont à changer tous les 4 heures. Les masques de protection respiratoire ne peuvent pas être portés plus de 6 à 8 heures. Les masques se retirent par les ficelles. A chaque changement, le lavage des mains est automatique. Il est conseillé d’appuyer sur le masque avec les mains et on respire. Si la personne inspire sans problème c’est qu’il y a une fuite. Si le masque vient se coller au visage, c’est qu’il est bien mis. Enfin, le seul port du masque ne peut pas suffire. Lors de l’épidémie du SRAS en 2003, l’association du masque et d’une bonne hygiène des mains a réduit le nombre de cas de SRAS précisément, mais aussi le nombre de cas d’autres infections virales saisonnières. Il faut faire de même aujourd’hui pour limiter la propagation du coronavirus.
Point épidémiologie : au 27 février, le Covid-19 a fait 82 132 cas dans le Monde, dont 58 528 cas en Chine. 2 801 décès sont à déplorer : 2 745 en Chine et 56 hors Chine. Ce coronavirus s’est propagé dans 45 pays hors Chine. En France le bilan est de 38 cas et 2 décès.
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Source : Interview du Pr Jean-François Gehanno, chef du pôle Santé publique, Évaluation et Support médical du CHU de Rouen et membre du Haut Conseil de la Santé Publique, le 26 février 2020 - Santé publique France, Organisation mondiale de la Santé, le 27 février 2020
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Ecrit par : Laura Bourgault – Édité par : Emmanuel Ducreuzet