Covid-19 : un « effet nicotine » ?

14 avril 2020

Les résultats de deux études, chinoise et américaine, laissent perplexe pneumologues et tabacologues : elles montreraient une sous-représentation des fumeurs parmi les personnes infectées par le Covid-19. De là à en déduire un effet protecteur de la nicotine ? L'hypothèse reste à démontrer.

« Ce que je sais, c’est que je ne sais pas ». Pneumologue et tabacologue, le Pr Bertrand Dautzenberg est en plein doute. « Fin mars, une étude chinoise publiée dans le New England Journal of Medicine et portant sur plus de 1000 personnes atteintes du Covid a montré que la proportion de fumeurs était 5 fois inférieure au nombre total de fumeurs en Chine. Début avril, une étude américaine portant sur 7000 malades a montré que 1,3% des patients positifs au Covid étaient fumeurs. Ils sont 13,4% dans la population générale ».

Des fumeurs sous-représentés chez les malades du Covid ? C’est ce que semble indiquer ces études, qui restent toutefois imprécises. L’âge des malades, par exemple, n’est pas mentionné. Cependant, une tendance similaire serait observée en France, selon le président du Conseil scientifique, le Pr Jean-François Delfraissy : « on a constaté que l’immense majorité des cas graves ne sont pas des fumeurs, comme si le tabac protégeait contre ce virus, via la nicotine ».

“Effet nicotine” ?

Pour le Pr Dautzenberg, ce supposé « effet nicotine » est « une hypothèse intéressante », mais qui demande encore à être démontrée. Les études chinoise et américaine n’ont en effet pas apporté de preuve de cause à effet, et « d’autres études montrent à l’inverse que les fumeurs développent des formes plus graves de la maladie ».

L’explication de cet « effet nicotine » serait à chercher du côté des récepteurs ECA2, selon Pr Dautzenberg : « ils sont la porte d’entrée chez l’homme du Covid-19 par les muqueuses respiratoires. La variation de l’expression de ces récepteurs par le tabac pourrait moduler le risque d’être atteint par la maladie ».

D’ici à ce que des études soient conduites pour comprendre le mécanisme, il est « urgent d’attendre et de se protéger », indique le Pr Dautzenberg, qui rappelle que depuis le début de l’année, le tabac a déjà fait 20 000 morts en France. En d’autres termes, « se traiter par un remède pire que le mal n’est pas une bonne idée ». Ainsi, « ceux qui ont arrêté de fumer ne doivent pas reprendre, et ceux qui ne fument pas ne doivent pas croire que le tabac va les protéger. Ce serait une grave erreur ».

  • Source : Interview du Pr Bertrand Dautzenberg, le 14 avril 2020

  • Ecrit par : Charlotte David - Edité par : Emmanuel Ducreuzet

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