Dangereuses les nanoparticules dans les additifs alimentaires ?
25 janvier 2019
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Présentes dans de nombreux domaines, parmi lesquels l’alimentation, les nanoparticules comme le dioxyde de titane ont mauvaise presse. Il devait d’ailleurs faire l’objet d’une suspension, mais l’arrêté ministériel se fait attendre. La littérature scientifique a déjà démontré une toxicité à faibles doses chez l’animal. Mais que sait-on de l’effet chez l’être humain ? Le point avec Eric Houdeau, chercheur à l’Institut national de la recherche agronomique (Inra).
Une nanoparticule est un élément souvent minéral de dimension nanométrique, c’est-à-dire entre 1 et 100 nanomètres. Certains additifs alimentaires en contiennent un certain nombre. « Le E171 correspond en effet au dioxyde de titane, mais toute la poudre n’est pas nano-dimensionnée », précise Eric Houdeau. En effet, « en raison des procédés de fabrication, la quantité de nanoparticules présentes dans la poudre n’est pas toujours la même », poursuit-il. C’est le cas aussi du dioxyde de silice, le E551, ou de l’oxyde de fer.
Toutefois, de nombreuses études menées chez l’animal et sur des cellules humaines in vitro montrent des effets toxiques de ces substances. En raison de forts soupçons qui pèsent sur son innocuité, le E171 devrait faire l’objet d’une suspension à compter de mi-avril 2019. Mais le ministre de l’Agriculture Bruno Lemaire n’a toujours pas signé l’arrêté d’application.
Leur absorption – via certains aliments transformés-présente-t-elle réellement un danger pour la santé ?
Eric Houdeau : « Nous n’avons pas encore la réponse chez l’être humain avec les additifs alimentaires composés seulement en partie de nanoparticules. Nous savons seulement que des nanoparticules sont absorbées vers le sang et s’accumulent dans le foie et la rate chez l’être humain. Toutefois, de nombreuses études ont pu démontrer des effets toxiques chez l’animal en utilisant des substances modèles à 100% nano-dimensionnées. Dans le détail, des effets génotoxiques, de stress oxydant et d’inflammation. De plus, la littérature permet désormais de noter que les nanoparticules de dioxyde de titane sont capables de passer la barrière placentaire. Ces éléments se stockent ensuite dans le foie, la rate et des traces ont été trouvées dans le cerveau chez l’animal. »
Que manque-t-il pour déterminer l’impact chez l’être humain des additifs alimentaires ?
EH : « Si les preuves de toxicité ont été faites pour les modèles (à 100% nano-dimensionnés) utilisés dans les études scientifiques, la transposition de ces résultats à des additifs alimentaires (composées partiellement d’éléments nano-particulaires) n’est pas possible. Nous devons désormais mettre au point des essais avec les produits du commerce dont la part de nanoparticules est variable par exemple de 5%, 10% à 45%. Des modèles cellulaires in vitro devront être exposés longuement à ces additifs communs avec un effet de doses afin de déterminer l’impact réel. Il y a donc plusieurs étapes avant de dire que ces additifs alimentaires sont toxiques pour un individu. Toutefois, si nous n’avons pas encore les preuves définitives de toxicité des additifs, les soupçons sont forts compte tenu des données chez l’animal. Au final, on manque de tests de sécurité pour permettre à ces additifs d’être présents sous cette forme dans le commerce avant d’avoir démontré leur innocuité. »
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Source : interview d’Eric Houdeau, chercheur à l’Inra, 8 janvier 2019
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Ecrit par : Dominique Salomon - Edité par : Vincent Roche