Dépendance à l’alcool : l’abstinence, plus la seule option?

18 novembre 2015

Trois Français sur dix vont être concernés par un problème de dépendance à l’alcool au cours de leur vie. Longtemps, face à ce problème de santé publique, les addictologues ont prôné l’abstinence totale. Mais l’expérience a montré qu’elle ne convenait pas à tous. Aujourd’hui, médecins et associations d’usagers réfléchissent à d’autres pistes thérapeutiques. Exemple en octobre dernier lors d’un colloque  en Languedoc-Roussillon organisé par l’Observatoire de la Régionalisation, avec le soutien de Lundbeck.

« L’alcool est un problème de santé publique », insiste le Pr Georges Philippe Pageaux, hépato-gastroentérologue au CHRU de Montpellier. « Cessons d’être dans l’ambivalence : à l’heure de l’apéritif entre copains, le consommateur est perçu comme un bon vivant sympathique. Mais dès lors qu’il est malade, il est dénigré, stigmatisé. Arrêtons de penser que les patients vont venir consulter d’eux-mêmes. Nous devons revoir nos pratiques et inventer d’autres modèles pour aller au-devant des patients sans les culpabiliser. »

Autre enjeu prioritaire, baliser davantage les différentes personnes recours sur lesquelles le patient peut s’appuyer pour détecter un problème de dépendance puis se faire accompagner : ses proches, son médecin généraliste mais aussi son pharmacien, et les différentes associations et les mouvements d’entraide. Pour rappel, on parle de consommation à risques quand elle dépasse 21 verres par semaine pour les hommes et 14 pour les femmes.

Amener le patient à prendre soin de lui :

L’abstinence ne peut plus être le seul protocole de traitement. « Nous connaissons tous des patients qui ont essayé à plusieurs reprises d’arrêter de boire sans succès », a rappelé Matthieu Fieulaine, au cours de ce colloque. Anthropologue de formation, ancien alcoologue à l’Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie (ANPAA) de Marseille et aujourd’hui responsable du projet associatif « Santé ! ». « Nous ne pouvons pas laisser ces patients sans réponse. Il faut pouvoir leur proposer des pratiques alternatives et promouvoir la notion de réduction de risques ». L’objectif est d’amener le patient à prendre soin de lui, à retrouver du mieux-être. C’est une première étape. Viser non pas l’abstinence mais une réduction de la consommation fait encore grincer des dents certaines associations de malades. Pourtant, comme l’ont souligné les médecins présents à Montpellier, la réduction de la consommation suffit déjà à diminuer les dommages liés à l’alcool. Proposer aux patients un objectif atteignable, si besoin avec l’aide d’un médicament spécifique permettant de réduire leur consommation est pour eux très gratifiant et motivant.

« La diversité des profils présente sur ce genre de colloque est très enrichissante. Nos journées de formation sont très cloisonnées, les addictologues n’y croisent que des addictologues. Or échanger sur nos pratiques, découvrir d’autres réalités, s’inspirer d’autres expériences est la seule façon de progresser », conclut le Pr Pascal Perney, addictologue au CHU de Nîmes. Un avis partagé par tous les autres participants, qui ont largement plébiscité cette rencontre. A l’heure de la semaine européenne de sensibilisation aux dangers de la dépendance à l’alcool (du 16 au 20 novembre), ce type d’initiative pourrait être un progrès.  Pour davantage d’informations, www.awarh.eu.

  • Source : Colloque « Quelles priorités régionales dans la prise en charge de l’alcoolodépendance » le 8 octobre 2015 à Montpellier

  • Ecrit par : Aurélia Dubuc – Edité par : Emmanuel Ducreuzet

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