Dépendance à l’alcool : quelle prise en charge ?
02 septembre 2015
Les médecins disposent de plus en plus d’armes aujourd’hui pour lutter contre la dépendance à l’alcool. ©Phovoir
La dépendance à l’alcool est responsable chaque année en France de 50 000 décès. Une vraie maladie qui reste aujourd’hui encore taboue. Comment aborder la prise en charge ? Quels sont les outils à disposition des médecins ? Les réponses du Pr Michel Lejoyeux, chef de service de psychiatrie et d’addictologie de l’hôpital Beaujon (Clichy) et président d’honneur de la Société française d’Alcoologie.
En alcoologie, il faut sortir des solutions magiques, il y a toujours un travail psychologique entre un thérapeute et son patient. Les médicaments sont une partie du soin. En réalité, nous avons besoin d’avancer sur deux jambes, une jambe médicamenteuse et une jambe relationnelle. La pierre angulaire de la prise en charge c’est la motivation et ce n’est pas le fait d’écrire le nom d’un médicament sur l’ordonnance qui va motiver ». Au niveau des outils, l’abstinence totale est remise en cause aujourd’hui et une faible consommation peut être envisagée, pour certains malades. C’est d’ailleurs ce que confirme le Pr Lejoyeux. « Il peut être utile de motiver les patients sur une baisse de consommation.
Et le Pr Lejoyeux d’enfoncer le clou. « On ne traite pas un comportement uniquement avec un médicament. C’est vrai de l’alcool comme de l’obésité ou de la dépression. C’est toujours une association entre une aide relationnelle et un médicament qui va être utile. »
Justement du côté des molécules, il y a eu du nouveau ces dernières années. « Nous disposons depuis quelques temps du Baclofène qui agit au niveau du cerveau sur la même molécule que l’alcool et va donc diminuer la sensation de manque. Une autre classe médicamenteuse agit à l’inverse sur le système opioïde. Quand on boit de l’alcool, le système opioïde fabrique des opiacées qui stimulent le circuit de la récompense. Ce dernier est perturbé dans la dépendance à l’alcool. Le Selincro comme le Révia vont bloquer les récepteurs aux opiacées. L’objectif n’est pas de rendre le patient intolérant, mais de diminuer l’euphorie et le mal-être induit par l’alcool. »
Comment identifier une dépendance ?
Des repères fiables existent pour reconnaître une dépendance alcoolique. Un verre standard correspond à 10 g d’alcool. Pour un homme, la consommation devient problématique lorsqu’elle dépasse 21 verres standards par semaine, ou 4 par occasion de boire. Chez la femme, le seuil se situe à 14 verres par semaine ou 3 par occasion de boire. Pourtant, il ne faut pas rapporter ces chiffres à une consommation quotidienne. Un individu peut boire moins de trois verres par jour en semaine ce qui paraît raisonnable, mais dépasser le seuil des 21 verres si l’on y ajoute la consommation des week-ends. Si vous pensez être au-dessus de ces seuils, il faut en parler à votre médecin. Par ailleurs, vous pouvez vous informer sur le sujet de manière générale sur le site alcoolmoinscmieux.fr.
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Source : Interview du Pr Michel Lejoyeux, 7 mai 2015 - BEH, N°24-25, 7 juillet 2015
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Ecrit par : Emmanuel Ducreuzet – Edité par : Dominique Salomon