Déremboursement des veinotoniques : l’échec italien fera-t-il école ?

19 janvier 2004

Comme il est prévu en France, l’Italie a mis en place il y a quelques années une politique visant à réduire ses dépenses de santé. C’est ainsi qu’en 1994 les veinotoniques ont été déremboursés.

Une mesure dont les effets ont été inverses à ceux escomptés. Certes, les patients italiens ont réduit leur consommation de veinotoniques. Mais le nombre d’hospitalisations a simultanément augmenté, de façon très significative. De 1994 à 1999, le budget consacré à l’insuffisance veineuse est ainsi passé de 360 millions d’euros (dont 210 millions pour les dépenses d’hospitalisation) à 384 millions d’euros ! Une augmentation de 6,6%, dont pas moins de 37% pour l’hôpital qui, en 1999, a coûté 288 millions d’euros au contribuable italien…

La conclusion s’impose : les « économies » réalisées grâce au déremboursement des médicaments ont été anéanties par l’augmentation des dépenses de chirurgie veineuse. Mais le plus grave, c’est que les insuffisants veineux ne se soignent plus. L’Italie voit donc s’accroître le nombre de cas graves avec phlébites, thromboses veineuses et embolies. Pour le Professeur Claudio Allegra, Président de l’Association Italienne de Phlébologie, « le déremboursement est un peu un message aux patients, pour leur dire que la maladie dont ils souffrent n’est pas si grave. Certes, c’est le cas lorsque l’insuffisance veineuse est soignée précocement. Cependant, avec le déremboursement des veinotoniques (et des bas de contention !), il n’y a plus de traitement préventif ».

La prise en charge trop tardive de la maladie mène directement à l’hôpital. Ainsi, non seulement le but économique recherché n’est pas atteint puisque les dépenses augmentent, mais la qualité de vie des patients se dégrade fortement. « La population italienne est âgée », explique Claudio Allegra. « Pas moins de 45% des Italiens ont plus de 65 ans. Et c’est à cet âge justement, que la maladie veineuse devient dangereuse si elle n’a pas été prise en charge ». On ne peut donc pas espérer faire baisser le nombre d’hospitalisations dans les années à venir. Sans oublier que l’insuffisance veineuse est la troisième affection la plus courante en Italie, après les allergies et l’hypertension…

Selon Claudio Allegra : « Depuis la réforme de 1994, bon nombre de patients ne sont pas connus des services de santé. Car ils ne se soignent plus ! Il est donc très difficile de suivre la progression de la maladie ». Une situation préoccupante, donc. L’expérience selon le Français Claude Bernard, c’est « de monter sur les épaules de celui qui vous précède pour voir plus loin ». Reste à savoir si la France, pays de la rationalité, saura cette fois grimper sur les épaules de l’Italie…

  • Source : interview de Professeur Claudio Allegra, Président de l'Association Italienne de Phlébologie ;56ème Journées internationales d'angiologie - Paris 16 janvier

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