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Pour comprendre ce qui fonctionne – ou pas – contre la gueule de bois, il faut bien réaliser que derrière les lendemains difficiles, il y a un phénomène complexe. « On n’est pas bien du tout, on ne peut pas se concentrer, on réfléchit mal, on a des migraines, limite des vertiges, la nausée, psychologiquement, ça génère pas mal d’angoisses et d’anxiété, on est irritable, commente le Pr Mickael Naassila. Tous ces symptômes de la gueule de bois sont la combinaison de plusieurs facteurs, et pas simplement d’une déshydratation comme veulent le laisser entendre certains fabricants de produits soi-disant miracles. »
Donc il y a une déshydratation, certes, mais pas seulement. A cela s’ajoute une irritation gastro-intestinale qui augmente la libération d’acide, ce qui peut entraîner des gênes à l’estomac ; une inflammation de l’organisme qui contribue au malaise généralisé ; enfin l’alcool aide à libérer l’acétaldéhyde, un sous-produit toxique qui participe à l’inflammation du foie, du pancréas, du cerveau, du tube digestif et d’autres organes.
« Depuis très longtemps on veut boire beaucoup sans avoir les effets désagréables, continue le Pr Naassila. On recherche le produit magique. C’est précisément ce fantasme qu’exploitent certains fabricants. »
Pourtant, la réalité scientifique est implacable : « quel que soit le produit, vous n’éliminez pas la toxicité de l’alcool. Vous ne l’empêchez pas de pénétrer dans le flux sanguin et d’atteindre certains organes. Je vois mal comment une simple réhydratation va prévenir tout ça ».
Ces produits, qu’ils soient vendus sous forme de pastilles effervescentes, de poudres ou de boissons prêtes à consommer, sont en réalité « de simples placebos qui coûtent cher », selon l’expert.
Certains sont détournés de leur usage initial (conçus notamment pour les sportifs qui perdent beaucoup d’eau) pour être repositionnés comme solutions anti-gueule de bois. D’autres, comme ceux baptisés « Hangover » (littéralement « gueule de bois » en anglais) ou « Alcoool » ne cachent même plus leurs intentions. Le plus troublant étant qu’ils sont vendus en pharmacie, ce qui leur confère une caution scientifique trompeuse aux yeux des consommateurs.
Le Pr Naassila est catégorique : « j’ai regardé les dernières données scientifiques. Les articles montrent qu’il n’y a pas toujours une corrélation entre le niveau de déshydratation et l’intensité de la gueule de bois. En d’autres termes, même si vous êtes parfaitement hydraté, vous pouvez toujours souffrir d’une gueule de bois sévère. La raison est simple : l’hydratation ne traite qu’un aspect mineur du problème. Et ce n’est pas en vous réhydratant que vous allez prévenir l’inflammation », ajoute le spécialiste.
Au-delà de l’inefficacité de ces produits, Mickael Naassila soulève un problème plus profond. « C’est du marketing. Et même si elles n’encouragent pas explicitement à la consommation, ces boissons dégrisantes ou même les pastilles d’électrolytes finissent par rejoindre la même finalité : on dit aux gens, ‘vous pouvez boire, ça ira mieux demain !’ C’est la porte ouverte aux abus. »
En donnant l’illusion d’une solution facile, ces produits pourraient indirectement encourager une consommation excessive d’alcool, avec toutes les conséquences sanitaires et sociales que cela implique.

Source : Interview du Pr Mickael Naassila, directeur du Groupe de Recherche sur l'Alcool & les Pharmacodépendances à l’Inserm et Président de la Société Française d'Alcoologie (SFA)

Ecrit par : Vincent Roche – Edité par : Emmanuel Ducreuzet