Des orthophonistes contre le port du masque à l’école
19 novembre 2021
Depuis le 15 novembre, et face à la remontée des cas de Covid, tous les enfants de primaire ont dû réenfiler le masque. Une décision à laquelle n’adhère pas une soixantaine d’orthophonistes qui l’a récemment exprimé dans une tribune publiée dans les colonnes du Figaro. En cause, une inquiétude concernant le développement relationnel et les apprentissages partagée par la Société française de pédiatrie.
« Nous sommes inquiets pour l’avenir des enfants », commence Nathalie Gual, orthophoniste dans le Gers, signataire de la tribune et membre du Collectif national des Orthophonistes. Malgré l’absence d’études sur le sujet, ces professionnels du langage estiment que leurs préoccupations méritent de faire valoir le principe de précaution. Et donc de retirer le masques aux moins de 12 ans.
Quelles sont ces préoccupations?
Le port du masque « impacte de manière non-négligeable les apprentissages du langage, de la lecture, la construction des émotions, les comportements des enfants mais aussi la vue ou encore le développement des fonctions oro-myo-faciales », énumère la tribune.
Côté apprentissages d’abord, « la bouche masquée empêche les instituteurs de voir l’articulation des lettres et des mots », décrit Nathalie Gual. Par exemple, s’il faut dire « doit » ou « boit », la forme que prend la bouche fournit des informations supplémentaires au simple son. Un obstacle supplémentaire à l’apprentissage de la parole, de la lecture et donc de l’écriture aux premiers niveaux de l’élémentaire. Par ailleurs, le port du masque impose aux élèves de forcer la voix et se répéter souvent car il « induit une perte de 5 à 10 db du niveau sonore ».
Outre les apprentissages eux-mêmes, les interactions entre enfants sont également freinées. Le port du masque entraîne « une diminution brutale de la capacité à reconnaître et à classifier les émotions de leurs camarades ». Résultat, « nous craignons qu’une génération entière se construise sans les éléments de langage implicite », amoindrissant « leurs habiletés sociales ». Ce qui peut à terme créer des « problèmes de plus en plus fréquents d’ajustements socio-émotionnels et une augmentation des risques de développement de troubles du comportement », estiment les orthophonistes.
Conséquences physiques, population peu à risque
La santé physique peut aussi être affectée par le port du masque sur le long terme. « Il rend difficile le port des lunettes à cause de la buée, ce qui entraîne fréquemment un abandon du port des lunettes, voire une dégradation des troubles visuels existants », relève la tribune. De plus il provoque une tendance « à la respiration buccale ». Laquelle « pose de nombreux problèmes dont l’abolition du rôle du nez dans le filtrage des virus et bactéries, la sècheresse buccale, l’halitose et les caries ».
Malgré l’absence d’études scientifiques sur ces sujets, « ces inquiétudes sont tout à fait légitimes et nous les partageons », indique le Pr Christèle Gras-Le Guen, présidente de la Société française de Pédiatrie. Laquelle avait déjà fait état de son avis défavorable au retour du masque dans les écoles. Et « si la majorité des enfants n’en gardera peut-être pas de séquelles, les inégalités se creuseront avec ceux qui rencontrent déjà des difficultés », souligne-t-elle. « Il faut absolument mener des études pour étayer ces propos. » Pour que les masques tombent à nouveau en classe.
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Source : interview du Pr Christèle Gras-Le Guen, présidente de la Société française de pédiatrie – interview de Nathalie Gual, orthophoniste dans le Gers et signataire de la tribune contre le port du masque à l’école
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Ecrit par : Dominique Salomon - Edité par : Emmanuel Ducreuzet