Diabète : la fronde des médecins français
07 juin 2012
La France a-t-elle un train de retard dans la prise en charge du diabète de type 2 ? Une chose est certaine : la Haute Autorité de Santé (HAS) tarde à rendre publiques ses nouvelles recommandations en la matière. Du coup, des spécialistes français parmi les plus reconnus tapent du poing sur la table ! Las d’attendre, ils ont tout bonnement décidé… de faire traduire puis de diffuser à leurs confrères les recommandations de bonnes pratiques élaborées par les autorités américaines et européennes. Un passage en force ?
Souvenez-vous : en mai 2011, le Conseil d’Etat abrogeait la recommandation de la HAS relative aux bonnes pratiques de prise en charge du diabète de type 2. L’institution avait alors reconnu le bien-fondé d’une démarche mettant en cause l’indépendance de certains experts. La HAS s’était donc logiquement conformée à sa décision. Un nouveau groupe de travail a été constitué, chargé d’émettre sur de nouvelles recommandations. Celles-ci devaient être publiées en février 2012, un délai qui semblait plus que raisonnable.
Les dernières recommandations encore en vigueur, remontent en effet à 2006. Depuis lors de l’eau a coulé sous les ponts, et les approches thérapeutiques ont connu de réels changements. Il est donc indispensable que soit finalisé un nouveau texte. Selon la note de cadrage élaborée par le HAS, celui-ci doit s’articuler autour des « objectifs glycémiques cibles et de la stratégie médicamenteuse (avec une évaluation médico-économique) ». Le problème, c’est que ce texte a d’ores et déjà 4 mois de retard…
« Je ne sais pas ce qu’il y a dans ce texte à venir et qui va bien finir pas sortir », nous explique le Pr Michel Marre (Hôpital Bichat – Paris). Las d’attendre et peu en phase avec les « vieilles » recommandations de 2006, ce spécialiste – il est le Président de la Société francophone du Diabète, s’est joint à des confrères pour faire traduire les « recos » des autorités américaines et européennes. Ils passent désormais à l’acte et les diffusent aux professionnels. Ces recommandations souligne Michel Marre, « placent vraiment le patient au cœur de la stratégie (thérapeutique). Elles laissent une grande place à la personnalisation des traitements. En faisant traduire ces textes, notre objectif est de donner une info sage (sic) à nos collègues ». Sans attendre la HAS.
Et qu’en pense la HAS ?
Depuis le printemps 2011 justement, le Pr Jean-Luc Harousseau préside le Collège de la Haute Autorité. Face à l’événement, il s’attache à calmer le jeu. « Je ne prends pas ça comme une fronde ou un désir de court-circuiter la HAS », nous explique-t-il. « Il me paraît normal que les sociétés savantes émettent des recommandations en leur sein. De nôtre côté, nous avons une vision multidisciplinaire qui prend en compte tous les acteurs. Et cela dans le respect de l’indépendance intellectuelle et la recherche d’une grande rigueur scientifique. Ces recommandations – celles que publient les diabétologues français – sont incluses dans la réflexion du groupe de travail de la HAS ».
Cette réflexion est certes loin d ‘être terminée, puisque les recommandations de la HAS finalement, ne seraient pas prêtes avant la fin 2012. Ce qui représente pratiquement un an de retard. La HAS est-elle trop lente dans son processus de décision ? Arrivé à la tête de l’institution l’an dernier, le Pr Harousseau avait d’emblée demandé davantage de réactivité. « Ce délai s’expliqué par notre difficulté à trouver des experts qui puissent apporter toute leur expérience et qui surtout, n’aient aucun lien d’intérêt avec l’industrie pharmaceutiques », conclut-il.
Aller plus loin :
– Téléchargez les recommandations de l’American Diabetes Association (ADA) et l’European Association for the Study of Diabetes (EASD) concernant la prise en charge de l’hyperglycémie chez le patient diabétique de type 2.