Diabète : libérer l’insuline !
24 octobre 2005
Les traitements contre le diabète ne manquent pas, mais aucun ne permet de résoudre le problème de fond : suppléer l’absence d’insuline dans le diabète de type I, remédier à sa mauvaise utilisation par l’organisme dans le diabète de type II.
Dans ces deux domaines, des ouvertures fascinantes se font jour. Elles ont été présentées au 41ème congrès de l’Association européenne d’étude du diabète, à Athènes. On a beaucoup parlé par exemple, de la prochaine mise à disposition d’insulines non plus injectables mais… inhalées ! Comme certains médicaments contre l’asthme. On ose à peine parler de “nouveauté” (au singulier) tant la chose est… dans l’air. Pas moins de 7 de ces insulines seront lancées dans les mois à venir. Les unes en poudre, deux autres sous forme de micro-cristaux et la septième en gouttelettes. Mais toutes seront inhalées.
Pour les malades libérés des injections quotidiennes l’amélioration sera réelle. S’agira-t-il pour autant d’un progrès ? A en croire notamment le Pr Stéphanie Amiel (King’s College Hospital de Londres) cette voie d’administration présente des inconvénients majeurs par rapport à l’insuline sous-cutanée traditionnelle. Elle provoque la production d’anticorps anti-insuline, l’organisme du patient se défendant contre le traitement. “C’est une régression dans l’évolution de l’insulinothérapie (qui pourrait) empêcher l’utilisation de ces insulines durant la grossesse pour le cas où elles traversent la barrière placentaire“, a-t-elle souligné devant ses confrères.
L’autre inconvénient, c’est la bio-disponibilité très diminuée de ces insulines inhalées. Jusqu’à 10 fois moins que la forme sous-cutanée, ce qui signifie que des doses 10 fois plus importantes devraient être administrées pour un même résultat. Administrées, donc produites et… financées. Les organismes payeurs accepteront-ils un tel surcoût sur la base exclusive de considérations de confort ?
La révolution dans le diabète de type I pourrait venir d’ailleurs. Des travaux franco-belgo-germaniques, coordonnés par le Dr Lucienne Chatenoud (unité 580 de l’INSERM) et publiés en juin dernier, ont montré l’intérêt d’un traitement par anticorps spécifique des lymphocytes T. Chez le diabétique, ils s’attaquent aux îlots de Langerhans responsables de la production d’insuline. Il reste du chemin pour valider cette hypothèse à long terme. Mais la libération du processus de production de l’insuline pourrait ainsi s’ouvrir…
Et une nouvelle histoire naturelle pour le diabète…
Quant au diabète de type II, la mutation serait déjà en marche. Plusieurs équipes dans le monde -en Allemagne et en Amérique du Nord notamment- écrivent une nouvelle histoire naturelle de la maladie. Depuis bientôt 100 ans, le diabète était considéré comme dû à un blocage de la sécrétion d’insuline (diabète de type I) ou de son effet (diabète de type II). Point final. Or depuis quelques années une voie nouvelle est en train de s’ouvrir, celle des incrétines.
Respectivement baptisées GIP et GLP-1, les incrétines sont des hormones, tout comme l’insuline. Sauf qu’elles sont produites non par le pancréas mais par l’appareil gastro-intestinal. Et alors que l’insuline est sécrétée lorsque le taux de glucose dans le sang augmente, les incrétines sont libérées “de façon quasi-instantanée lorsque nous absorbons de la nourriture. Elles provoquent alors la sécrétion d’insuline“, a expliqué le Pr Daniel Drucker, Directeur du Banting and Best Institute à l’Université de Toronto. En quelque sorte un petit-fils spirituel des découvreurs de l’insuline…
Cette découverte explique par exemple, pourquoi la production d’insuline est plus importante après l’absorption de glucose par la bouche, qu’après administration intra-veineuse ! Plus encore, l’expérience a montré “que l’incrétine GLP-1 préserve l’intégrité des îlots de Langerhans. Elle réduit la mort de ces derniers par apoptose -en quelque sorte le ‘suicide’ naturel des cellules, n.d.l.r.- et traite donc la maladie elle-même, et non ses seuls symptômes.”
Pour le Pr Michaël Nauck (Allemagne), “les traitements actuels se caractérisent par l’échappement inéluctable des malades au bout de quelques années. Nous courons le risque permanent d’une hypoglycémie réactionnelle -une baisse anormale du taux de sucre sanguin provoquée par le traitement, n.d.l.r.- ou de voir les patients grossir et exposés à des complications cardiovasculaires. Grâce aux incrétines, nous pouvons espérer un traitement efficace en monothérapie, sans association, et utilisable même au stade du pré-diabète.”
Présenté aux congressistes à Athènes, ce traitement est actuellement en essais cliniques. Testé sur un peu plus de 1 000 diabétiques de type II, le sitagliptin bloque le processus qui, chez le diabétique de type II, inhibe la libération des incrétines. Il présenterait un profil de tolérance comparable à celui du placebo, avec “des résultats très prometteurs en termes de régulation de la glycémie“, selon le Dr Peter Stein (Merck Research, Rahway, USA). Prochain rendez-vous en principe, 2007 ou 2008.
Sources : de notre envoyé spécial au 41ème congrès de l’EASD, Athènes, Septembre 2005 ; OMS, mai 2005 ; Salon Cœur et Santé, mars 2004 ; Panorama du Médecin n° 4987, 26 septembre 2005, New England Journal of Medicine, 23 juin 2005.
Le 10ème salon du diabète, bientôt à Paris ! Du 3 au 5 novembre prochain en effet, conférences-débats et ateliers interactifs permettront à tous ceux qui sont concernés par le diabète de faire le point. Les patients et leur entourage, les professionnels et les associations pourront se retrouver au 323bis-327 rue de Charenton. Pour vous informer : www.afd.asso.fr. L’entrée sera gratuite mais sur invitation au 01 40 09 24 25.