Don de sang : le risque infectieux au coeur du débat

14 juin 2011

SRAS, H5N1, H1N1, Chikungunya voire West Nile Virus… La transmission d’agents infectieux à l’occasion d’une transfusion sanguine est toujours redoutée par les médecins… comme par les receveurs. En France et alors même que la journée mondiale des Donneurs de Sang est célébrée ce 14 juin, une polémique refait surface autour de ce que les spécialistes appellent les « procédés d’inactivation des pathogènes ». Ces techniques visant à davantage sécuriser les transfusions sont diversement utilisées, selon les régions. Pourquoi ces différences?

Comme son nom l’indique, un procédé d’inactivation des pathogènes vise à « inactiver » les agents infectieux susceptibles d’être présents dans un produit. En l’occurrence un produit sanguin, avant son utilisation. Concernant les pathogènes « anciens » comme les virus de l’hépatite B ou le VIH par exemple, les risques de contamination sont extrêmement faibles et diminuent sans cesse grâce au progrès des techniques. Cependant, des risques résiduels persistent autour de virus émergents : Chikungunya, West Nile Virus, H5N1 par exemple…

Actuellement en France, diverses techniques sont appliquées aux préparations de plasma sur l’ensemble du territoire. En revanche, la situation est plus compliquée pour les concentrés de plaquettes, pour lesquels l’inactivation des pathogènes n’est employée que dans une seule région métropolitaine, l’Alsace. Ils sont également appliqués dans les départements et territoires d’Outre-mer, en raison des risques infectieux particuliers dans ces zones avec la présence endémique du Chikungunya et de la dengue.

Cependant depuis quelque temps, les entomologistes observent une remontée de ces risques vers le Nord. A tel point que le Chikungunya – sans oublier le West Nile Virus qui a été vu en Camargue, en Italie, en Hongrie et en Roumanie… – est actuellement présent en France. Notamment sur la Côte d’Azur. C’est pourquoi dès 2009, le député Philippe Vitel (UMP – Var) avait interpellé le Gouvernement sur la généralisation des procédés d’inactivation, pour les plaquettes. La réponse de Rama Yade alors secrétaire d’Etat à la Santé laissait effectivement entendre que la généralisation de ces techniques était cohérente. Mais depuis… rien !

Pour l’EFS, il est urgent d’attendre…

Le directeur-adjoint de l’Etablissement français du Sang (EFS), le Pr Pierre Tiberghien, concède que « cette question nous taraude et la décision n’est pas facile à prendre. Il faut mettre le rapport bénéfice/risque dans la balance et les données dont nous disposons ne vont pas toutes dans le même sens. Des auteurs estiment par exemple que l’inactivation des plaquettes influerait sur leur qualité finale ». En d’autres termes, les plaquettes perdraient de leur efficacité. « Nous avons encore besoin d’autres travaux avant de nous prononcer ».

A la tête de l’EFS-Alsace qui avait été choisie comme région-pilote, le Pr Jean-Pierre Cazenave ne partage pas cet avis. En 2010, il avait remis le sujet sur la table devant l’Académie nationale de Médecine. « La mise en place universelle de l’inactivation des agents pathogènes dans les produits sanguins labiles est une étape majeure de l’amélioration de la sécurité en transfusion », avait-il alors insisté.

« Le plus grand danger » à ses yeux, « serait de retarder la mise en place de l’inactivation des pathogènes pour les produits sanguins labiles, sous prétexte d’attendre la preuve absolue pour mettre en place un système parfait »… Il s’appuie notamment sur son expérience : à l’échelle mondiale, « avant que l’on ait pu dépister le virus de l’hépatite B chez les donneurs de sang, plus de 200 000 receveurs sont morts des conséquences d’une hépatite B… »

  • Source : Interview du Pr Pierre Tiberghien, 25 mai 2011 – Bulletin de l’Académie nationale de Médecine, 2010 – Journal officiel de la république française, 1er juillet 2009

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