Avec l’ergonomie, plus simple la vie
26 janvier 2011
Un évier à bonne hauteur dans une cuisine, un volant et un tableau de bord bien conçus dans une voiture, un poste de travail correctement adapté sur une chaîne de montage… Nous avons tous une vision de ce qui est logique et facile, ou de ce qui est peu pratique ou mal conçu. Au-delà du simple bon sens l’ergonomie – du grec ergon (travail) et nomos (lois, règles) – adapte les situations de travail et les objets de la vie courante à l’activité humaine. Confort, efficacité et sécurité sont les maîtres-mots de cette discipline encore (trop) peu connue en France.
«
La plupart d’entre nous passons en moyenne 8 heures par jour au travail. Les exigences de productivité par ailleurs, imposent à notre organisme des cadences parfois importantes. Il est donc indispensable pour limiter les contraintes physiques, que les postes de travail soient adaptés convenablement », explique Valériane Dusaucy. Cette étudiante en
ergonomie est membre du réseau les
Ergonautes, qui rassemble à Sophia Antipolis les ergonomes du Sud de la France.
Lombalgies,
syndrome du canal carpien ou syndrome de la coiffe des rotateurs… Les
troubles musculo-squelettiques (
TMS) provoqués par des gestes répétitifs et un poste de travail mal conçu, sont légion. Ils concerneraient aujourd’hui, entre 11% et 15% des salariés de 20 à 59 ans.
«
Avec une progression d’environ 20 % par an sur les 10 dernières années, ces affections des muscles, des tendons ou des nerfs représentent dans tous les pays industrialisés un problème majeur de santé au travail », rappelle l’Institut national de Médecine Agricole (
INMA). Ce dernier organise d’ailleurs un colloque sur le sujet, le 28 janvier à Tours. L’agriculture n’est pas seule concernée, bien sûr. Que ce soit dans le monde industriel ou des services, les
TMS constituent la première cause de maladies professionnelles reconnues en France.
Des outils adaptés
«
Mon métier consiste à préserver la santé des professionnels et à maintenir un équilibre entre bien-être et contraintes de productivité », souligne Arnaud Tran Van, membre de la Société d’
Ergonomie de Langue française (
SELF). «
Pour développer des produits adaptés, il est nécessaire d'avoir une compréhension fine des différentes situations d'utilisation », explique-t-il.
Une agrafeuse par exemple, n'aura pas les mêmes caractéristiques selon qu’elle sera destinée à un commercial qui la transporte dans son sac, ou à un fleuriste qui l'utilise dans un environnement humide et de manière très répétitive. Le premier aura besoin d’un outil léger, le second privilégiera la robustesse, la résistance à la corrosion et l’étanchéité. Au bout du compte cependant, chacun travaillera plus facilement. Soumis à moins de contraintes physiques, il présentera moins de risque de
TMS. Il sera également moins stressé. Les
ergonomes en effet, tiennent de plus en plus compte des ‘
risques psychosociaux’. Lorsqu’ils étudient l’organisation même des postes de travail, ils considèrent les relations entre employés et employeurs notamment.
En dehors du monde du travail
Si les méthodes de l'
ergonomie ont été développées à des fins professionnelles, elles s’adaptent aujourd’hui aux activités domestiques, de loisirs et de services. Elles visent aussi bien les enfants que les seniors, les handicapés que les utilisateurs en bonne santé. L’objectif reste toujours le même: simplifier le quotidien.
Il y a déjà bien longtemps que les Anglo-saxons et les Scandinaves font appel à l’
ergonomie pour concevoir les produits qu’ils destinent au public. La recherche de simplicité s’applique naturellement à la facilité physique d’utilisation, mais aussi à la compréhension des instructions d’usage. «
Certains concepteurs oublient encore souvent que les utilisateurs sont âgés, ou tout simplement occupés à plusieurs tâches simultanées. Ce qui peut être très handicapant » explique Brigitte Ruef, une
ergonome spécialisée dans les produits grand public.
Si l’utilisation de nombreux objets et machines reste complexe, la situation commence à s’améliorer. Certains domaines notamment, sont facteurs de progrès. Par exemple, la plupart des robinets sont aujourd’hui des mitigeurs. «
Autrefois, les robinets à deux boutons, l’un pour l’eau froide, l’autre pour l’eau chaude, nécessitaient deux mains pour doser correctement la température. Une personne handicapée, avec un bras dans le plâtre ou encore une maman avec son bébé dans les bras étaient donc forcément gênés », raconte Brigitte Ruef, qui a travaillé avec l’association de consommateurs
UFC-Que choisir. Comme l’automobile, la cuisine et la salle de bains font partie des univers à propos desquels les
ergonomes français sont aujourd’hui très consultés. Ainsi, les habitacles des automobiles commencent-ils d’être adaptés à des passagers de gabarits différents.
Ergonomie, hygiène, sécurité
L’
ergonomie touche aussi à la sécurité et donc, à la santé. Elle permet de réduire le risque de blessure par une tronçonneuse par exemple. Mais pas seulement. Certaines alarmes permettant de détecter si un enfant est tombé dans une piscine, présentent un défaut
ergonomique majeur. «
On s’est rendu compte que certaines n’indiquaient pas que leurs piles étaient à plat », explique Brigitte Ruef. C’est donc en pensant à ces détails apparemment subalternes – mais en apparence, seulement – que l’ergonomie participe à la prévention des
accidents de la vie courante.
Dans les établissements de santé, l’industrie agro-alimentaire ou les crèches et maisons de retraite, sécurité rime aussi avec hygiène. Pour réduire le risque de propagation des infections, ces établissements font parfois appel à l’
ergonomie. Celle-ci accompagne ainsi le développement d’outils favorisant un plus grand respect de l’hygiène. La poignée
Ulna® est un exemple frappant de ces applications. Conçue pour être opérée sans les mains, avec l’avant-bras, elle concilie facilité d’utilisation et contrôle de la transmission microbienne. Ainsi est-elle au service de la santé. En facilitant l’utilisation de l’objet, elle incite à des comportements nouveaux. Et le résultat est probant : «
nous avons réussi à diviser par 10 la charge bactérienne sur ces poignées par rapport aux autres », s’enthousiasme Richard Houis, créateur d’Ulna®. Le Dr Yves Welker du Centre hospitalier de Saint-Germain-en-Laye, se félicite d’avoir équipé son service. «
On ne pourrait plus travailler sans. Nous n’avons plus relevé aucune transmission croisée d’agents infectieux », ajoute le chef du service maladies infectieuses et tropicales.