Diarrhées, maladies parasitaires : pour que l’eau reste source de vie !
01 février 2003
D’après l’OMS, une eau est considérée comme « potable » ou « salubre », dès qu’il est possible de la consommer sans risque. Elle répond donc à des normes micro-biologiques, physiques et chimiques précises. C’est encore l’OMS qui évalue sa mise à disposition : tout individu se trouvant à plus de 200 mètres d’une canalisation en milieu urbain est considéré comme n’ayant pas accès à l’eau potable. A la campagne, il ne doit pas être obligé de marcher plus de 20 minutes …
Chaque année, cette source de vie entraîne la mort de 3,4 millions de victimes ! Pour la plupart, des enfants issus de pays en développement... Un bilan insupportable, qui représente 6% des décès dans le monde, toutes causes confondues ! Et ces 3,4 millions de victimes seraient, toutes, totalement évitables !
Depuis 20 ans, les organisations internationales restent sur un terrible constat d’échec. En 1981, année où fut lancée la « Décennie internationale de l’eau potable et de l’assainissement », l’objectif était de parvenir à « l’assainissement pour tous d’ici l’an 2000 »… Depuis lors, l’importance des populations privées de tout accès à l’assainissement a tout bonnement doublé !
Se laver les mains avec de l’eau et du savon
Pourtant, les efforts ont été réels. Mais toutes les politiques successivement élaborées ont dramatiquement sous-évalué l’accroissement considérable de la population mondiale. Comme nous le confie José Augusto Hueb, assesseur du Programme Eau potable, assainissement et santé à l’OMS. « Entre 1990 et 2000, environ 816 millions de personnes ont eu accès à l’approvisionnement en eau et 747 millions de personnes ont eu accès à des infrastructures d’assainissement. Le grand problème, c’est qu’on a eu pendant les dix dernières années une augmentation de 15 % de la population mondiale. »
Les choix qui ont servi de base à ces politiques ont souvent été inadaptés. Durant les années 80-90, les autorités ont trop insisté sur les infrastructures d’assainissement, sans prendre le problème à sa base. Des latrines ont été construites quasiment à tout-va, avant même d’éduquer et de former le public à l’hygiène.
Dans un rapport conjoint, l’OMS et de l’UNICEF démontrent parfaitement l’échec de cette politique. Alors que l’assainissement et l’hygiène devraient être un droit pour chaque enfant, bien peu y ont accès. Au milieu des années 90 à Bobo Dioulasso, au Burkina Faso, neuf ménages sur dix disposaient de latrines. Chez la moitié d’entre eux, on trouvait aussi un robinet ou un puits. Néanmoins, les maladies diarrhéiques n’ont pas diminué. Parce que les pratiques d’hygiène les plus élémentaires, comme par exemple de se laver les mains avec de l’eau et du savon, n’étaient pas répandues.
Au lieu d’imposer du matériel nouveau aux populations, l’OMS et l’UNICEF ont alors décidé de les motiver et de les éduquer. Aujourd’hui, dans des dizaines de pays, l’hygiène est enseignée dans les écoles primaires. Les enfants y apprennent non seulement l’utilisation des latrines, mais aussi les gestes d’hygiène quotidiens dont nul ne devrait pouvoir se passer. Comme de se laver les mains avec de l’eau et du savon après chaque passage aux toilettes. Un geste qui doit également être répété plusieurs fois au cours de la préparation des repas. A chaque fois, en fait, qu’on passe d’un aliment à l’autre.
Les premières études effectuées sur le sujet ont donné des résultats très encourageants. D’après l’UNICEF, le simple fait de se laver les mains à l’eau et au savon pourrait, six fois sur sept, éviter les cas de dysenterie transmis dans le milieu familial. A l’avenir, nos comportements devraient évoluer en profondeur. Les latrines ne devront plus être imposées - ou même proposées… - aux populations, mais au contraire réclamées par ces dernières….
La diarrhée tue 2,5 millions de personnes chaque année
D’ici 2015, l’OMS et l’UNICEF veulent réduire le problème à moitié. En permettant à la moitié de ceux qui en sont privés aujourd’hui de disposer d’un accès à un système d’assainissement, et à de l’eau potable en quantités suffisantes pour un prix abordable. Concrètement, cela implique tout de même de raccorder chaque jour près de 300 000 personnes à l’eau potable ! Et d’en connecter 400 000 autres à de vrais réseaux d’assainissement. Ce n’est pas un petit défi !
Pour José Augusto Hueb, ce programme est réaliste. La seule difficulté mais elle est de taille, c’est d’obtenir qu’il soit érigé en priorité politique ! « Je crois que le problème principal du secteur d’eau potable et de l’assainissement, c’est pas exactement le manque de moyens mais le manque des sources financières. Je crois que le problème principal, c’est un manque de volonté politique. Il faut vraiment qu’existe une volonté politique. »
C’est important non seulement pour le quotidien et la dignité des femmes et des hommes, mais aussi pour leur santé. Une bonne dizaine de maladies sont directement liées à l’eau. Et d’abord les maladies diarrhéiques, qui font chaque années des millions de victimes.
Un enfant attrape la diarrhée en avalant des microbes qui se trouvent dans ses selles. Ils peuvent alors se transmettre, par l’eau ou les aliments, par les mains, la vaisselle, les couverts. Par des mouches, partout présentes, ou la saleté retenue sous des ongles mal entretenus. Cette maladie, que l’on pourrait croire d’un autre âge sous sa forme épidémique, est responsable de 4% des morts dans le monde ! Un rapide calcul montre que ces 4% représentent deux millions deux cent mille victimes ! La plupart sont des enfants. Des enfants de moins de 5 ans, dans des pays en développement. Au total, les diarrhées sont responsables de 15% de tous les décès survenus chez des enfants ! Un sur huit !
Une diarrhée, c’est l’émission plus fréquente que la normale, de selles molles ou liquides. Une définition qui explique qu’elle devient mortelle lorsqu’elle entraîne une trop forte déshydratation, par des pertes de liquides trop importantes. L’UNICEF a établi une série de mesures pour prévenir et traiter les diarrhées des enfants. En premier lieu, recourir à l’allaitement maternel. Au moins jusqu’au sixième mois.
Non seulement le lait maternel est le meilleur aliment que Bébé puisse recevoir, mais en plus dans toutes les communautés qui ne disposent pas d’eau potable, un bébé au biberon sera plus exposé au risque de diarrhée. Donc à la mort… moins que l’eau ne soit bouillie puis conservée à l’abri des souillures, que les biberons et tétines soient stérilisés avant chaque emploi… Quant à l’enfant victime de diarrhées, il est absolument impératif de continuer à lui donner le sein.
D’une manière générale, il est essentiel de faire boire un enfant qui souffre de diarrhée. L’eau de source, (de préférence bouillie puis refroidie), les gruaux qui sont des mélanges de céréales bouillies et d’eau, les soupes, les préparations de farine de riz, les jus de fruits, le lait de noix de coco verte évitent la désydratation.
Il existe aussi des préparations « toutes prêtes », en pharmacie ou dans les dispensaires locaux. Elles se présentent sous la forme de sachets contenant des sels de réhydratation orale. Ces SRO doivent être mélangés avec une quantité bien précise d’eau potable. Mais attention : sauf avis formel donné par le médecin, aucun autre médicament que les SRO ne doit être utilisé contre une diarrhée.
Sachez enfin qu’un enfant qui a la diarrhée n’a pas seulement besoin de boire. Il a aussi besoin de manger. Bien entendu, la nourriture peut solidifier les selles et à ce titre, elle est un apport appréciable. Mais surtout, en nourrissant votre enfant vous éviterez la malnutrition que toute diarrhée importante peut induire. Voilà encore pourquoi, une fois guéri, il aura besoin d’un repas supplémentaire par jour pendant deux semaines.
D’après l’UNICEF, l’amélioration de l’approvisionnement en eau, de l’assainissement et de l’hygiène suffirait à réduire de 26% le nombre de cas de diarrhées. Et de 65% celui des morts ! Ces progrès entraîneraient aussi une forte diminution des autres maladies liées à l’eau. Celles qui se transmettent par une simple piqûre d’insecte : le paludisme qui tue chaque année un million d’adultes et d’enfants, ou encore la « maladie du sommeil ».
« Nous buvons 90% de nos maladies»
Des recherches effectuées par le CDC d’Atlanta et le Bureau régional de l’OMS pour les Amériques ont montré le bénéfice de la chloration de l’eau. Y compris dans les logements qui ne sont pas raccordés à un réseau public de distribution. Un autre procédé riche de promesses commence à faire parler de lui. Baptisé SODIS, il repose sur une technique très simple de désinfection utilisant l’énergie solaire.
Selon les représentants de l’OMS, SODIS permet d’obtenir une eau d’aussi bonne qualité que si elle avait bouilli ! Il suffit de remplir quelques bouteilles en plastique ou en verre, puis de les exposer au soleil sur une surface noire et réfléchissante. Comme une tôle ondulée par exemple. Il ne reste plus alors qu’à attendre cinq heures, le temps pour les ultra-violets solaires de « tuer » les micro-organismes pathogènes présents dans l’eau.
SODIS a fait ses preuves dans des conditions très diverses, en Bolivie et au Burkina Faso, en Chine, en Colombie, en Indonésie, en Thaïlande ou encore au Togo.
La plupart des maladies non transmissibles que nous subissons aujourd’hui – cancers, diabète, maladies cardio-vasculaires… - sont imputables à nos styles de vie. Une nourriture inadaptée, une sédentarité excessive sont dangereuses. Mais n’oublions pas le rôle essentiel de l’eau. Car décidément, Louis Pasteur avait raison d’affirmer que « nous buvons 90% de nos maladies »…