Epargner les femmes et les enfants…

07 avril 2005
Donnons sa chance à chaque mère et à chaque enfant. La chance de vivre tout simplement. A l’occasion de la Journée mondiale de la Santé, qui s'est tenue le 7 avril, l’OMS a décidé de s’attaquer à deux fléaux qui ravagent le monde : la mortalité maternelle et la mortalité infantile. Saviez-vous que dans le monde, à chaque minute qui s’écoule, une femme meurt de complications liées à la grossesse ou à l’accouchement? Pour 500 000 femmes par an, la grossesse est donc synonyme de mort ! Pour les enfants de moins de 5 ans, les chiffres sont aussi inacceptables : 10,6 millions d’entre eux meurent chaque année, d’une maladie qui pourrait être traitée voire évitée. Dont 4 millions de petits qui n’atteignent pas leur premier anniversaire. Neuf fois sur dix, ces décès de mères et d’enfants de moins de 5 ans surviennent dans un pays à revenu faible ou moyen. Principalement en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud. Une femme vivant en Afrique subsaharienne présente un risque 175 fois plus important de mourir en couches, par rapport à une femme d’une région développée ! En vérité, ces chiffres sont connus depuis de nombreuses années. En 1998 déjà, l’OMS avait fait de la mortalité maternelle le thème de sa Journée mondiale de la Santé. Le problème est donc bien cerné. Et les solutions connues. Alors pourquoi la situation n’évolue-t-elle pas ? Pour le Dr Luc de Bernis, médecin obstétricien et membre du Département Une maternité à moindre risque à l’OMS, «si de nombreux pays ont fait des progrès notables, il s’avère que dans un certain nombre de pays très peuplés, très importants, les progrès sont limités ou inexistants. C’est pour ça qu’au niveau global, les statistiques montrent qu’il n’y a pas de progrès». Le taux de mortalité maternelle auquel fait référence le Dr Luc de Bernis, mesure le nombre de décès dus à des complications liées à la grossesse pour 100 000 naissances vivantes. D’après le Rapport mondial sur la mortalité maternelle, en 2000, il s’élevait à 400 décès pour 100 000 naissances dans le monde. Un professionnel de santé dans 6 accouchements sur 10… Si toutes les femmes étaient tout simplement assistées au cours de leur grossesse, une grande partie des décès pourrait être évitée. Or à l’échelle mondiale, seulement six accouchements sur dix se déroulent en présence d’un professionnel. Et même 3 sur dix dans certains pays… En France, le taux de mortalité maternelle s’élève à 9 pour 100 000. A titre de comparaison, il s’élevait à 25 pour 100 000 il y a un peu plus de trente ans. Par rapport à la moyenne mondiale, ces chiffres restent bien sûr très faibles. Mais la France peut encore mieux faire, même si comme nous l’explique le Dr Luc de Bernis, l’objectif zéro décès est très difficile à atteindre. «Il y a un certain nombre de décès pour lesquels nous n’avons pas encore de solutions. Pour des maladies par exemple comme les embolies pulmonaires ou les embolies amniotiques. On ne sait pas les prévoir. Même quand les taux sont très bas, il y a une attention à donner à ces problèmes qui doit rester très importante.» La France ne relâche pas son attention. Après un premier plan périnatalité en 1994, Philippe Douste-Blazy, le ministre de la Santé vient d’en lancer un nouveau. Objectif : diminuer de 40% le taux de mortalité maternelle d’ici 2008. Donc de passer de 9 pour 100 000 à 5 pour 100 000 en trois ans. Ce plan prévoit notamment la mise aux normes de maternités publiques et privées: 500 sages-femmes, 1400 praticiens hospitaliers et 1300 infirmiers seront recrutés. L’organisation des transports des mères et des nouveaux-nés sera également améliorée. Et les services de réanimation pédiatriques, modernisés. Montant de l’enveloppe : 270 millions d’euros. Mais la France n’est pas le seul pays à se pencher sur sa mortalité maternelle. Bien au contraire. Des pays comme la Lituanie le font également. Comme nous le confirmait récemment le Dr Juozas Olekas, ministre lithuanien de la santé « l’une de nos plus belle réussite est la baisse du taux de mortalité maternelle ». En 15 ans environ, la mortalité maternelle dans ce pays est en effet passée de 16 pour 100 000 à 6 pour 100 000 ! L’exemple vient d’Europe du Nord et de pays comme la Suède, le Danemark et l’Irlande où les taux se situent entre 2 et 5 pour 100 000 naissances. Plus de deux fois moins qu’en France… Des objectifs ambitieux D’ici 2015, l’objectif des Nation-Unies est de réduire des trois-quarts la mortalité maternelle dans le monde. Un objectif inscrit noir sur blanc dans la Déclaration du Millénaire signée par les dirigeants de 189 pays en 2000. Mais est-il réaliste ? «C’est un objectif ambitieux» poursuit Luc de Bernis. «Mais une série de pays vont l’atteindre. Ce qui est important pour nous, c’est que pour tous les autres, les bonnes stratégies soient mises en place d’ici là. Ils seront ensuite sur la bonne voie». Un autre objectif est fixé dans la Déclaration du Millénaire : réduire la mortalité infantile des deux-tiers d’ici 2015. Là encore, il apparaît très ambitieux. Mais d’un autre côté, il est urgent de mettre un terme à l’hémorragie… Car ce sont 10 millions six cent mille enfants de moins de 5 ans qui meurent chaque année dans le monde ! Et 6 millions de ces vies pourraient être sauvées si les enfants étaient protégés contre des maladies courantes : pneumonie, diarrhées, paludisme, rougeole et naturellement, l’infection à VIH-SIDA. Les difficultés dans l’accès aux médicaments restent encore un obstacle majeur. Seuls 4 enfants sur 10 atteints de pneumonie sont soignés par antibiotiques ! Même chose pour la vaccination contre la rougeole. Un vaccin sûr, efficace et peu coûteux existe pourtant depuis plus de 40 ans ! Quant aux autres maladies, des mesures simples permettraient d’enrayer la spirale de la mort. Contre les diarrhées, des études réalisées par l’UNICEF ont montré que le fait de se laver les mains à l’eau et au savon pourrait, six fois sur sept, éviter les cas de dysenterie transmise dans le milieu familial. Protéger un enfant du paludisme passe notamment par l’installation au domicile de moustiquaires imprégnées d’insecticide. D’après une étude parue dans le Bulletin de l’OMS en 2003, ces moustiquaires permettraient de réduire la mortalité de 19% à 24% ! Or aujourd’hui encore, le paludisme tue un petit Africain toutes les 30 secondes... Mais la mortalité infantile ne concerne pas seulement les pays du Sud. Certains Etats du Caucase et d’Asie centrale, sont également frappés. Une situation d’autant plus inquiétante qu’elle n’est pas vraiment retranscrite par les chiffres officiels. De grandes espérances Dans un rapport publié en juillet 2003, l’UNICEF cite le cas de l’Azerbaïdjan. Elle rapporte 74 décès de nourrissons pour 1 000 naissances vivantes, alors que les autorités font état de chiffres 4 fois moins élevés ! D’une manière générale, le taux de mortalité infantile dans le Caucase et en Asie centrale serait ainsi douze fois plus important que dans les pays industrialisés ! En France, c’est la mortalité périnatale qui inquiète toujours. Actuellement, entre 6 et 7 enfants sur 1 000 meurent entre le septième mois de grossesse et leur sixième jour de vie. L’autre grand objectif du plan périnatalité est de ramener ce taux à 5,5 pour 1 000 d’ici 2008. Comme le rappelle Lee Jong-wook à l’occasion de cette journée mondiale, «les mères et les enfants sont les bases sur lesquelles reposent les familles, les communautés et les sociétés. Quand une mère ou un enfant meurt, ces bases s’écroulent. Si l’on veut que les générations futures soient en bonne santé, il faut commencer aujourd’hui par préserver la santé des mères et des enfants». De grandes espérances donc, comme le nom de ce photo-reportage unique en son genre publié sur le site de l’OMS. Depuis plusieurs mois, six femmes originaire de Bolivie, d’Egypte, d’Ethiopie, d’Inde, de République démocratique populaire lao et du Royaume-Uni font partager leur grossesse puis leur accouchement. Et pour terminer sur une note d’espoir, sachez que ces 6 jeunes mamans ont donné naissance à 6 beaux bébés. Et que tout ce petit monde est en bonne santé…
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