Incontinence urinaire : rompre le tabou
12 mai 2003
Dans un entretien à Destination Santé, le Pr François Haab de lHôpital Tenon (Paris) souligne en effet que les femmes incontinentes, particulièrement, subissent trop souvent leur mal en silence. Comme avec fatalisme ! Une sur cinq nose aller voir ses amis ; une sur trois hésite à faire ses courses ; une sur deux enfin se plaint dune vie sexuelle perturbée
Conséquence logique, plus de deux femmes sur trois déclarent que leurs symptômes ont un impact majeur en termes de qualité de vie ! Ne serait-ce que limpossibilité de porter des vêtements clairs ou la nécessité de repérer les toilettes en tous lieux, à chaque instant
Sans oublier quelles sont également exposées à des infections urinaires à répétition.
Beaucoup de ces femmes ne sont pas traitées. Car elles ont peur de consulter. Dune part parce quelles craignent la chirurgie, alors que cette dernière ne concerne quune minorité dentre elles. Dautre part, elles pensent pour certaines, que leur incontinence est une fatalité contre laquelle on ne peut rien. A tort bien sûr, mais le mal est là.
Un problème de santé publique
Ce ne doit pas être une surprise : lOMS attache une importance croissante à lincontinence. Car dans le contexte dune population vieillissante elle prend la dimension dun véritable problème de santé publique. Son impact psychosocial est réel, et coûte cher à cause des couches et autres protections que les malades doivent acquérir à longueur dannées.
« Si lincontinence urinaire par instabilité vésicale est déjà inscrite dans la classification internationale des maladies (CIM), lincontinence deffort ne lest pas encore à ma connaissance » explique François Haab. « Mais des démarches ont été entreprises par lOMS pour quelle le soit. Car il sagit dune véritable maladie, très fréquente et qui implique souvent un handicap sévère. Or il existe des solutions thérapeutiques efficaces ».
Lincontinence urinaire concerne au premier chef les femmes, puisque lon compte environ six malades du sexe féminin pour un homme. Elle nest pas non plus lapanage des femmes âgées ou mûres : une femme de trente ans sur six est touchée. Mais sa fréquence augmente avec lage, de sorte quà 50 ans une femme sur deux est incontinente !
Moins atteints donc, les hommes ne sont pas épargnés pour autant. Dans la tranche dâge de 25 à 65 ans, 5% sont incontinents. Mais ils sont 20% dans la tranche des plus de 65 ans.
Des circonstances favorisantes
Les circonstances de la vie qui favorisent le développement dune incontinence urinaire sont nombreuses :
- chez la petite fille, le fait de trop se retenir, en milieu scolaire par exemple ;
- chez la femme jeune, la pratique trop intense de certains sports qui sollicitent et développent particulièrement les muscles abdominaux ;
- durant la vie génitale les séquelles de traumatismes liés à laccouchement, a fortiori après des grossesses multiples ;
- après la ménopause enfin, la carence en oestrogènes peut altérer la qualité des tissus de la région périnéale.
Pour le Pr François Haab, il y a deux grands mécanismes dincontinence urinaire qui aboutissent à trois formes différentes de la maladie. Dabord lincontinence deffort, « caractérisée par le fait quune fuite durine peut survenir en toute circonstance qui augmente la pression abdominale : port de charges, épreuves sportives mais aussi éternuements, éclats de rire, quinte de toux
Et dans les cas les plus sévères, le seul fait de marcher. »
Ces « accidents » se produisent sans que la femme qui en est victime ressente même le besoin duriner. La fréquence des mictions nest pas augmentée, et les fuites généralement peu abondantes. Cette forme dincontinence urinaire « est due à une insuffisance du muscle en anneau (le sphincter) qui enserre lurètre et ferme la vessie. Cette faiblesse est le plus souvent liée à des séquelles de traumatismes de laccouchement ». Elle est dautant plus marquée que la sangle abdominale qui appuie sur la vessie est musclée. Ce qui est plus particulièrement le cas chez les sportives.
« Dans lincontinence par instabilité vésicale les fuites durine nont rien à voir avec leffort. Elles surviennent dans le cadre denvies extrêmement pressantes, que la personne narrive pas à maîtriser », affirme le Pr François Haab. Linstabilité vésicale est alors due au fait que la vessie se contracte de manière prématurée et inopinée, même lorsquelle nest pas pleine. Doù ces envies très pressantes, et des fuites souvent abondantes. Et surtout une fréquence accrue des mictions, en petite quantité à chaque fois, tant la nuit que le jour : cest ce que les spécialistes appellent la « pollakiurie ».
Des signes qui doivent alerter
Ces symptômes ont un fort retentissement sur la vie quotidienne de la femme. A chaque instant elle doit anticiper la survenue dun besoin impérieux, le risque dune fuite, avec le cortège de gène et dangoisse que cela entraîne. Certaines circonstances favorisent la survenue de ces « accidents ». Elles constituent en même temps des signes qui doivent alerter : le fait dentendre un bruit deau qui coule, de plonger les mains dans de leau froide, de passer près de toilettes, darriver à son domicile ou dattendre longtemps debout
suffisent parfois pour déclencher une envie impérieuse voire une fuite
La dégradation de la qualité de vie qui en résulte diffère évidemment, selon quune femme souffre dincontinence deffort ou dinstabilité vésicale. « Linstabilité vésicale est généralement moins bien tolérée que lincontinence deffort. Les femmes qui ont une incontinence deffort arrivent en effet à anticiper. Elles savent pour quel type deffort la fuite risque de survenir. Et elles développent assez facilement des stratégies dévitement. A linverse, celles qui souffrent dinstabilité vésicale seront gênées par la perte dautonomie, et surtout la perte du contrôle de leur corps. Ce qui les perturbe énormément » souligne François Haab.
Les trois incontinences et la consultation médicale
Près dun tiers des incontinences sont dues à une instabilité vésicale, et 38% à une incontinence deffort. Dans 29% des cas enfin, lincontinence est dite mixte car elle fait intervenir à des degrés divers, les deux mécanismes à la fois.
Cest bien entendu le médecin qui déterminera lorigine de lincontinence. « Lors de la première consultation, en interrogeant la patiente il va préciser le mécanisme de la fuite - instabilité vésicale ou incontinence deffort - en évaluer la sévérité et le retentissement en termes de qualité de vie. »
Le type de questions quil va vous poser ? Pour une incontinence deffort par exemple, il tentera de savoir si un simple changement de position suffit à provoquer une fuite ou si un effort violent est nécessaire, comme de soulever une charge par exemple. Pour une instabilité vésicale, il voudra connaître le délai entre lenvie ressentie et la fuite : deux minutes ou dix minutes ?
Un traitement dépreuve
Rassurez-vous, il ne sagit pas de vous infliger une épreuve de plus ! Non. Mais une fois que le médecin aura déterminé le mécanisme de lincontinence et précisé sa sévérité, il vous examinera pour évaluer la qualité des muscles du périnée et des tissus environnants. Il recherchera un certain nombre de facteurs qui pourraient se trouver à lorigine dune instabilité vésicale : infection urinaire, présence dun calcul ou dun polype vésical, atteinte neurologique de la vessie
sachant que le plus souvent, aucune cause ne sera retrouvée. Youpi
« A ce stade des investigations, sans avoir recours à des examens complémentaires plus sophistiqués le médecin mettra en route un traitement dépreuve tenant compte du mécanisme en cause », souligne François Haab. Pour une incontinence deffort, le traitement de première intention reposera sur une rééducation visant à renforcer le tonus des sphincters et des muscles du périnée, et à améliorer les réflexes. Sil sagit dune instabilité vésicale, il utilisera un médicament agissant sur la commande nerveuse de la vessie, une sorte dantispasmodique vésical.
Dans les deux cas, le traitement sera prescrit pour une durée de trois mois au terme desquels le médecin évaluera la situation. Si la patiente est satisfaite du résultat, le traitement sera poursuivi. Si en revanche le traitement dessai na pas donné satisfaction, avant den envisager un autre plus agressif il pratiquera ce que lon appelle un bilan urodynamique.
Il consiste en un enregistrement précis des pressions et débits au niveau de la vessie et de lurètre. Lobjectif est ensuite de simuler les circonstances qui provoquent la fuite urinaire, pour ainsi étudier ce qui se passe réellement au niveau de la vessie et des sphincters. Cet examen ne dure quune demi-heure et se pratique en ambulatoire. Inutile dêtre à jeun. Et selon les résultats, différentes solutions thérapeutiques vous seront proposées.
Une bandelette textile
Dans lincontinence deffort, en cas déchec de la rééducation la parole sera généralement à la chirurgie. Elle consistera le plus souvent en la pose dun TVT, pour tension free vaginal tape. Cest une simple bandelette de textile destinée soutenir lurètre sans provoquer de tension. Elle nécessite deux petites incisions au-dessus du pubis, sous anesthésie locale. Lintervention dure 30 minutes, le retour au domicile se fait le jour même ou le lendemain au plus tard. Résultat ? La guérison ou une amélioration significative dans 90% des cas.
Dans linstabilité vésicale rebelle au traitement classique, les solutions sont plus variées. Divers médicaments peuvent être associés. Par ailleurs, les techniques dites de neuromodulation offrent des perspectives intéressantes. Elles reposent sur limplantation dune sorte de pacemaker vésical, connecté à des électrodes placées sur les nerfs qui contrôlent la vessie. Ce pacemaker délivre en permanence des impulsions électriques indolores, qui régularisent la contraction des sphincters et des muscles de la paroi vésicale. Ces impulsions réduisent ainsi la fréquence et lurgence des mictions, de même que les fuites incontrôlées. Cette technique permettrait dobtenir des succès dans 80% des cas.
Nous sommes donc loin dêtre démunis. Et la semaine nationale de lincontinence sera justement loccasion de nous le rappeler.
Dans le cadre de cette manifestation, de nombreuses opérations sont prévues dans chaque région : mise à disposition de brochures, campagnes daffichage dans les pharmacies et les salles dattente des cabinets médicaux, conférences grand public dans les universités, opérations portes ouvertes dans divers centres urologiques, publics ou privés
Des urologues appartenant à ces centres seront également présents pour répondre aux questions
Pour en savoir plus ? LAFU met un numéro de téléphone Indigo à la disposition du public durant toute la semaine au
0821 020 101. Il fonctionnera de 9h à 20h du lundi 12 au vendredi 16 mai, et de 9h à 18 h le samedi 17 mai. Pour joindre lAFU, vous pouvez aussi appeler 01 44 64 15 15 ou visiter son site à
http://www.urofrance.org.