L’accident de la route : un fléau, pas une fatalité !

07 avril 2004
Comme chaque année, ce 7 avril marque à la fois la Journée mondiale de la Santé et… l’anniversaire de la création de l’OMS en 1948. Et cette année, l’OMS s’attaque de front à la violence routière. Un fléau responsable de près de 3% de l’ensemble des décès et des invalidités à l’échelle mondiale ! A chaque minute qui s’écoule, deux personnes dans le monde meurent d’un accident de la route ! Chaque jour, c’est plus de 3 000 décès, 140 000 blessés dont 15 000 resteront handicapés à vie ! Autant de souffrance humaine, autant de familles brisées à jamais. Le message de l’OMS s’adresse à chacun d’entre nous, sans exception : «L’accident de la route n’est pas une fatalité». L’heure est venue de stopper l’hémorragie. Car si rien n’est fait, le nombre de victimes pourrait augmenter de 60% d’ici 2020 ! Le poids du fléau n’est pas le même selon les continents. Là encore, la géographie est révélatrice d’une insupportable inégalité : sur les 1,260 millions de morts qui surviennent chaque année, 9 sur 10 vivent dans un pays en développement ! C’est en Afrique que le taux de mortalité est le plus élevé, avec 28 décès pour 100 000 habitants ! Soit quatre fois plus que dans des pays comme la Suède, la Grande Bretagne et la Norvège. Autre différence majeure : dans la plupart des pays développés la majorité des décès concerne les occupants d’automobiles : conducteurs ou passagers. Dans les pays en développement, les premières victimes d’accidents sont les piétons et les cyclistes. En revanche, au Nord comme au Sud les accidents de la route frappent surtout les jeunes et les actifs. Un message pour nos politiques… Plus d’un mort sur deux est âgé de 15 à 44 ans. Et dans certains pays développés comme la France, les accidents constituent même la première cause de mortalité des 18-25 ans. A l’OMS, le Dr Etienne Krug est Directeur du Département de la Violence et des Traumatismes. Comme il nous le précise, «l’accident de la route n’est pas une fatalité. Une catastrophe de santé publique est en train de se jouer maintenant. Et elle va empirer dans les années qui viennent si rien n’est fait. La première étape à passer, c’est une décision politique». Une première partie du message de l’OMS s’adresse donc aux dirigeants politiques : «il est possible d’éviter les accidents de la route, si l’on reconnaît qu’ils constituent un grave problème de santé publique. Et si l’on prend les mesures nécessaires pour les éviter». Pour cela, l’Organisation recommande que chaque pays mette en place une agence spécialisée dans la sécurité routière. A l’image de ce qui se fait en Suède, aux Etats-unis ou en France avec l’Observatoire interministériel de la Sécurité routière. Ensuite ? Ce sont les facteurs de risques qu’il faut combattre. Et notamment la vitesse excessive, l’alcool, l’absence de ceintures de sécurité à l’avant comme à l’arrière des véhicules. Ou encore le défaut de casque pour les deux roues. Et c’est la deuxième partie du message de l’OMS, qui cette fois-ci ne s’adresse pas seulement aux politiques mais à toutes les populations. Saviez-vous par exemple, que lorsque vous passez de 30 à 50 kilomètres à l’heure, la probabilité d’accident mortel est multipliée par… huit ! Et qu’une baisse de 2% à 3% de votre vitesse réduit le risque d’accident mortel de 4 à 6%? Autre facteur de risque d’accident bien connu : l’alcool. Certains pays ne tolèrent pas la moindre consommation de boissons alcoolisées avant de prendre le volant. Dans d’autres, aucune loi n’existe en la matière. C’est bien sûr dans les états où la législation est la plus restrictive que les meilleurs résultats sont enregistrés. Vitesse, alcool, ceinture, casque… Le port du casque à moto, à mobylette mais aussi à vélo est également un gage de sécurité. Il réduit de 20% à 45% le risque de traumatisme crânien. Le casque est donc indispensable. Voilà pourquoi il est primordial d’y sensibiliser les enfants dès leur plus jeune âge, lorsqu’ils apprennent à faire du vélo. Comme la vitesse, l’alcool et le port du casque, l’utilisation des ceintures de sécurité est un facteur essentiel de prévention. Là encore les statistiques sont parlantes : si vous bouclez votre ceinture, vous diminuez des deux tiers votre risque d’être tué dans un accident. N’oubliez pas non plus les dispositifs destinés aux enfants : la ceinture donc, mais aussi les sièges adaptés. Enfin, chaque pays aurait matière à se pencher sur son infrastructure routière. Comme le rappelle Etienne Krug, «on peut encore améliorer l’infrastructure routière pour mieux protéger les motards. Et leur donner plus d’espace aussi, éviter de trop grands contacts entre les motos, les vélos et les voitures». Il pense notamment aux barrières de sécurité dans les virages, au développement des pistes cyclables et des passages protégés pour piétons. L’amélioration de la signalisation et du marquage par exemple, est aussi un moyen très efficace et peu coûteux d’améliorer la sécurité routière. Le dernier point concerne enfin les soins post-traumatiques. Dans beaucoup de régions, les structures et les hommes manquent pour gérer les premiers secours. Résultat, dans de nombreux pays on meurt sur la route… faute de disposer des services de base pour prendre en charge les victimes. Moitié moins de décès en 30 ans ! Le fait d’agir sur tous ces facteurs de risque contribuera donc à rendre les routes du monde plus sûres. Pour les pays en développement, le défi est de taille. Mais l’enjeu en vaut la peine. Il suffit de se pencher sur les résultats obtenus par quelques pays du Nord. En Finlande, les campagnes de sécurité routière ont diminué de moitié le nombre de décès au cours de ces trente dernières années. Alors que dans le même temps, le volume du trafic routier a été multiplié par trois. En France en 2003, 5 732 personnes ont été tuées sur les routes. Un chiffre trois fois moins élevé que 30 ans plus tôt, en 1973. Entre-temps, le port de la ceinture de sécurité est devenu obligatoire. L’alcoolémie autorisée au volant est passée de 0,8 à 0,5 g/litre. En 2003 le durcissement de la législation, avec notamment l’entrée en vigueur des radars automatiques, a marqué un nouveau tournant. En un an, la mortalité a diminué de 21%! L’OMS attend donc beaucoup de cette Journée mondiale de la Santé. Aujourd’hui, Etienne Krug est optimiste. «La sécurité routière n’a pas reçu l’attention qu’elle mérite. Je crois que les choses vont changer dans les années qui viennent.» A condition bien sûr que chacun, politiques comme citoyens, y mette du sien… Pour en savoir davantage sur cette journée mondiale, vous pouvez aussi vous rendre sur le site de l’OMS.
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