L’asthme, cet inconnu
01 février 2005
Plus de 150 millions de malades dans le monde selon l’OMS mais bien plus selon d’autres sources. Ce qui est sûr, c’est que chaque année l’asthme tue plus de 180 000 personnes. Un vrai tueur en série. Qui opère en silence, sans distinction.
Longtemps, il a été considéré comme un « mal » des pays riches. Une conséquence de l’industrialisation et de ses rejets polluants. Faux ! Les responsables de l’Initiative mondiale pour l’Asthme, le GINA, ont bien montré que les pays en développement ne sont plus à l’abri de l’asthme. Au Maroc par exemple il occupe la première place parmi les maladies chroniques respiratoires. Mais c’est vrai dans bien d’autres pays.
Mais qu’est-ce que l’asthme, au fond ? Et comment le soigne-t-on ? C’est une maladie qui provoque une inflammation chronique et donc un épaississement des bronches. Ses symptômes varient d’un jour à l’autre. Et souvent, ils sont plus aigus la nuit. Plusieurs facteurs comme les allergènes, un air froid et sec et certaines infections virales peuvent être impliqués dans le processus inflammatoire. Lequel crise après crise, entame le capital respiratoire.
Face à l’asthme, nous ne sommes pas égaux
En fait, il n’y a pas un asthme, mais des asthmes. Chaque asthmatique développe ses symptômes : toux, sifflement dans la poitrine, sensation d’essoufflement voire d’oppression... Mais ce n’est pas régulier. La maladie se traduit différemment, selon les patients. Face à l’asthme, nous ne sommes donc pas égaux.
S’il ne se guérit pas, l’asthme est aujourd’hui une maladie qui se soigne très bien. Et plus il est repéré tôt, plus les séquelles seront limitées. Même bénin donc, un asthme infantile doit être traité pour préserver les capacités respiratoires de l’enfant… lorsqu’il atteindra l’âge adulte. Mais répétons-le, l’objectif du traitement n’est pas tant de guérir la maladie que d’améliorer la qualité de vie. Car l’asthme est une affection chronique. Elle dure toute la vie. Les patients doivent l’apprivoiser, apprendre à vivre avec, tout simplement.
Le traitement vise à lutter contre l’inflammation des bronches. Il repose en tout premier lieu, sur l’utilisation de corticoïdes inhalés. Autrefois, on ne disposait comme anti-inflammatoires que de la cortisone dont les effets secondaires à long terme sont importants : une déminéralisation osseuse qui peut aller jusqu’à entraîner une ostéoporose, rétention d’eau, glaucome, cataracte... Ces traitements sont aujourd’hui réservés aux asthmes très sévères.
Chez la plupart des malades, les corticoïdes sont désormais administrés directement dans les bronches avec un petit inhalateur. Le médicament est ainsi déposé là où il est nécessaire : dans les bronches et pas ailleurs.
L’objectif des spécialistes, c’est de toujours chercher la dose minimum efficace pour arriver à équilibrer l’asthme tout en restant sans danger pour l’organisme. Car tout le monde est d’accord, en matière de corticoïdes, « le moins c’est toujours le mieux ». En effet, même inhalé, le produit arrive toujours à passer dans la circulation sanguine. Jusqu’à 30% parfois !
Le traitement de fond doit être pris tous les jours
Si cela ne suffit pas, au lieu d’augmenter la dose de corticoïdes on peut y associer un autre médicament. Soit un broncho-dilatateur de longue durée d’action – qui augmente le diamètre des bronches - soit un anti-leucotriène. Qu’est-ce que c’est ? Un médicament qui bloque des substances responsables de l’inflammation bronchique et s’utilise en comprimés, une fois par jour.
Avec un mode d’action différent de celui des corticoïdes et sans leurs effets délétères ils sont utiles par exemple, quand l’asthme répond mal au traitement classique. Ou en complément des corticoïdes pour en diminuer les doses. Enfin, leur facilité de prise favorise l’observance du traitement, en particulier chez l’enfant.
Le plus important, c’est de comprendre que la prise en charge de l’asthme ne doit pas se limiter aux périodes de crise ! Le traitement de fond doit être pris tous les jours, même en l’absence de signes d’asthme. Justement pour éviter la crise.
Evidemment, c’est plus compliqué que pour un rhume. Mais le but du traitement est double : d’abord limiter les crises en soignant l’inflammation, ensuite permettre au patient de mener une vie normale.
Et n’oublions pas non plus que l’asthme est une maladie qui évolue. Pour la suivre, il est indispensable de disposer à la maison d’un débitmètre. C’est un instrument qui permet de mesurer à tout moment la capacité respiratoire, et d’évaluer le degré d’obstruction des bronches. Renseignez-vous auprès de votre médecin, il saura vous indiquer où en trouver. Le fait de noter les mesures ainsi relevées permet à la fois de prévoir la survenue d’une crise…et de se rendre compte des progrès réalisés. Le patient est ainsi encouragé à se battre.
Partout dans le monde, l’asthme devient plus fréquent. Une grande enquête épidémiologique, menée dans les années 90, a montré que les enfants sont de plus en plus touchés. Les garçons plus que les filles. L’asthme est la maladie chronique la plus répandue parmi les jeunes. Et d’une manière générale au cours des 30 dernières années, sa prévalence dans la population a augmenté de 50% tous les 10 ans. Soit depuis 1974, une hausse de 150% !
En France, un collégien sur dix souffre d’asthme
Cette augmentation rapide est l'un des mystères de la médecine moderne. Les chiffres avancés par l’OMS et l’Initiative mondiale pour l’asthme (GINA) sont sans appels : la maladie gagne du terrain. Le phénomène est particulièrement frappant en Australie, où environ un enfant sur six est atteint. En France, un collégien sur dix souffre d’asthme.
Mais malgré une mobilisation internationale, les raisons exactes de l’augmentation de l’asthme dans le monde échappent encore aux spécialistes. Plusieurs théories ont été proposées: gaz d'échappement des moteurs diesel, allergies, régime alimentaire, tabagisme, infections virales, air froid, exercice physique...
Aujourd’hui, la communauté scientifique paraît s'accorder pour incriminer une combinaison de facteurs génétiques et environnementaux. Mais étant donné qu’une « poussée » soudaine de prédispositions génétiques serait scientifiquement incompréhensible, il est clair que les changements dans nos modes de vie « dits modernes » sont dans la ligne de mire.
Certains individus sont génétiquement prédisposés à l'asthme. Il existe des familles entières d’asthmatiques, c’est vrai. D'autres souffrent d'une exposition précoce à certains allergènes: pollution atmosphérique, logements humides, mauvaise aération, tapis poussiéreux, animaux de compagnie à fourrure, cafards ou produits chimiques.
Quant à la cigarette, elle joue un rôle important dans la propagation de la maladie. Le tabagisme des parents et en particulier de la mère accroît le risque d'asthme chez les enfants. Et les bébés de fumeuses ont un poids de naissance réduit. Ils ont des poumons plus petits et sont plus exposés au risque de devenir asthmatiques...
Tordons le cou une fois pour toutes à une idée qui a la peau dure : l’asthme n’est pas une contre-indication au sport. Mieux, il est fortement conseillé ! Rappelez-vous le nageur américain Mark Spitz : 7 médailles d’or aux Jeux Olympique de Munich... tout en étant asthmatique.
On ne compte donc plus ceux qui sont devenus des sportifs de haut niveau, parce que dans l’enfance la pratique du sport leur avait été conseillée au titre de la rééducation respiratoire. Seule contre-indication vraie, la plongée sous-marine.
Chaque asthmatique peut et doit faire du sport
A part ce bémol, chaque asthmatique peut et doit faire du sport. Car l’exercice physique ne permet pas seulement d’accroître la capacité respiratoire. Il aide aussi à combattre l’obésité, un vrai facteur de pérennisation de la maladie.
Malheureusement, la pratique sportive n’est pas assez répandue. Il reste beaucoup à faire en la matière. Dans les établissements scolaires par exemple, les dispenses sont encore trop nombreuses. Dans tous les pays, sans exception. Cela parce que près de huit asthmatiques sur dix souffrent d’un asthme d’effort, à l’arrêt de l’exercice. Il existe pourtant des solutions.
Connu, l’asthme d’effort peut facilement être prévenu. Il suffit de s’astreindre à un échauffement progressif. Puis au cours de l’effort, de respirer par le nez. Pas par la bouche ! Pour celles et ceux qui sont sujets à ce type de problème, les broncho-dilatateurs prescrits par leur médecin peuvent les soulager.
En règle générale, l’effort doit rester sous-maximal. C’est-à-dire qu’il doit se situer en dessous d’une zone d’essoufflement qui peut être facilement évaluée en parlant avec le malade. Si l’essoufflement le gêne pour parler, c’est que l’effort est trop brutal.
En fait, le seul moment où la pratique d’un sport est réellement déconseillée à l’asthmatique, c’est en cas de forte pollution. Mais là, il n’y a pas grand chose à faire. Ce n’est en effet pas demain, ni après demain d’ailleurs, que nous cesserons de polluer... Prudence donc.