Le médicament dans tous ses états…
07 septembre 2004
Un médicament, ça n’est pas seulement un ou plusieurs principes actifs. C'est également un emballage, un nom, une forme, une couleur voire un goût. Autant de paramètres qui dépassent le cadre médical, biologique et clinique mais qui revêtent une importance majeure.
Plus ou moins inconsciemment, la présentation du médicament marque donc notre psychisme. Et cela ne date pas d’aujourd’hui. Le Dr Patrick Lemoine est psychiatre dans la région lyonnaise. Il a beaucoup travaillé sur la notion de «placebo», du nom de ces substances dénuées de toute efficacité mais pouvant agir sur la perception des patients. Il s’est logiquement intéressé à la présentation des médicaments. Et notamment à leur couleur, qui n’est jamais choisie au hasard.
Il nous confirme que «
la couleur a traditionnellement fait l’objet d’un certain nombre d’études mais surtout d’une tradition qu’on trouve d’ailleurs dans d’autres cultures".
En médecine, la symbolique des couleurs serait ainsi quasi universelle. Les grandes tendances ? Le bleu serait utilisé pour le sommeil, le rose ou le vert contre l’angoisse, le jaune pâle pour les désinfectants urinaires, le jaune ou le rouge vif pour lutter contre la fatigue. Et enfin, le marron pour tout ce qui est lié à la digestion ! «
L’objectif d’un laboratoire, c’est de créer un lien de conditionnement entre un effet supposé et une couleur déterminée. Il s’appuit sur une tradition que pour dormir c’est mieux d’avoir du bleu clair, et que pour être moins anxieux faut mieux avoir du rose»
Qu’en pensent les laboratoires pharmaceutiques ? Gautier Caron est responsable des affaires réglementaires de l’une de ces entreprises et semble «
d’accord mais nous avons toujours à l’esprit que nous sommes un laboratoire pharmaceutique, que nous travaillons dans le domaine de la santé. Ne confondons jamais le médicament et des friandises».
Vive la sobriété !
En matière de médicament, le maître-mot serait donc : sobriété. Il existe toutefois quelques contre-exemples. Le dernier en date ? Il concerne un médicament destiné aux troubles de l’érection. Sa couleur bleue, quasiment fluorescente n’avait jamais été exploitée jusqu’alors. Un vrai coup de poker.
Réussi de surcroît. A tel point que pour Patrick Lemoine, cette couleur est désormais associée à l’érection. Aussi bien dans l’esprit des patients que des médecins. Et aujourd’hui d’une manière générale, à l’exception de ces coups de marketing, la mode semble être au… blanc ! Blanc comme la pureté bien sûr.
Outre la couleur, la forme et la taille du médicament sont également l’objet d’études marketing très approfondies. Rond, carré, rectangulaire, en forme de bâtonnet… les possibilités sont multiples. Et la taille ? Grande ? Petite ? Par rapport à quoi d’ailleurs ?
Le comprimé d’aspirine semble représenter l’étalon de la normalité. La taille standard en fait. Et d’une manière générale, le petit sera associé à la puissance. Dans l’imaginaire, un médicament de petite taille est censé renfermer de faibles quantités de principes actifs très puissants. Pour ceux de grande taille, c’est le contraire. Davantage de substances mais une puissance moindre…
Et comme c’est le cas pour les couleurs, les laboratoires «n’osent» pas les formes atypiques. Même si la fameuse petite pilule bleue contre les troubles de l’érection a osé le losange, reconnaissons que les médicaments en forme d’osselets pour traiter les maladies articulaires ou de cœur contre les pathologies cardiaques, ce n’est pas pour demain.
Gélule, comprimé, sirop, collyre, crème…
La galénique est la science de la mise en forme du médicament. Elle tire son nom de Galien, médecin grec du 2ème siècle après Jésus Christ. Outre la présentation donc, la forme galénique du médicament est également importante.
Elle correspond à la forme sous laquelle il est administré : gélule, comprimé, sirop, collyre, crème, injection intra-musculaire, sous-cutanée ou intra-veineuse, spray, suppositoire… Car si chaque médicament contient une ou plusieurs substances actives, il renferme aussi des excipients. C’est-à-dire d’après le dictionnaire médical, «une substance qui conditionne la consistance, la forme, et le volume des préparations».
Chaque forme pharmaceutique présente des spécificités et un usage particulier. D’une manière générale, nous pouvons dire que les formes galéniques doivent remplir un premier objectif, majeur : être bien sûr adaptées à la maladie traitée. Les explications de Gautier Caron.
«
De nombreux paramètres entrent en jeu. Le premier dépend de l’action du médicament. Veut-on avoir une action locale ou un passage dans la circulation sanguine? Si l’on veut une action locale, on utilisera des collyres, le stérilet pour la contraception, des pommades, des crèmes. Si l’on veut un passage dans la circulation sanguine on s’orientera vers des formes orales, ou injectables. La deuxième réflexion c’est la vitesse d’action. Pour une action très rapide, on utilisera une forme par voie injectable, intraveineuse, intramusculaire ou sublinguale»
En plus d’être adaptée à la maladie traitée, le choix des formes galéniques répond également à des critères moins objectifs, moins scientifiques. Ils doivent en effet tenir compte du patient et de son confort. Voilà donc pourquoi un même médicament peut être vendu sous plusieurs formes galéniques. «
Vous avez un mal de gorge» poursuit Gautier Caron, «
il vous sera beaucoup plus facile de prendre une plaquette avec des comprimés, plutôt que de prendre sa bouteille de sirop et sa cuillère à soupe. Vous êtes dans votre voiture, vous avez soudainement une migraine, si vous avez une bouteille d’eau, vous allez avaler un comprimé, vous n’allez pas commencer à faire un comprimé effervescent. Tout çà sont des choses qui sont prises en compte dans le développement galénique et font partie de l’approche marketing».
Le patch et l’implant ont de l’avenir
Et demain ? Comme nous le précise Bernard Plazonnet, ancien directeur du centre de recherche des laboratoire MSD-Chibret, «
les plus grandes avancées devraient concerner deux formes galéniques déjà connues : le patch et surtout l’implant.»
Elles permettent toutes deux une libération prolongée du ou des principes actifs qu’elles renferment. Déjà utilisé dans quelques domaines -la contraception notamment- l’implant pourrait à l’avenir voir son utilisation élargie à certaines affections chroniques. Comme le diabète.
Demain, la régulation de la glycémie s’effectuera-t-elle à l’aide d’un implant, plus souple et surtout moins onéreux que les pompes sur lesquelles bien des chercheurs ont travaillé? Patience, la réponse devrait intervenir dans quelques années. Mais l’espoir est permis.