Les génériques ? De vrais médicaments

01 mars 2001
Pourtant depuis le 11 juin 1999, le droit de substitution pharmaceutique existe en France. Comme ailleurs. Derrière cette appellation, une innovation majeure. Les pharmaciens français ont désormais le droit, sauf opposition explicite du médecin, de substituer des génériques entre eux et un médicament générique à un médicament de référence. Une seule condition : le médicament délivré doit être moins coûteux pour l’assurance maladie. La responsabilité du pharmacien sur la prescription médicale se trouve réaffirmée avec force. Qu’il s’agisse des patients ou des professionnels eux-mêmes, on avait souvent tendance à l’ignorer, mais le pharmacien est depuis toujours solidairement responsable de la prescription du médicament. Désormais, il participe pleinement à la maîtrise de sa dispensation. Aux Etats-Unis les génériques ont réalisé 55 % de parts de marché ! En France 5 % Pour les professions de santé, c’est une véritable révolution. Elle vise à porter la France au niveau de ses voisins européens. Or, il y a du travail ! L’an dernier, les génériques ont réalisé 26% du marché des médicaments dans l’Union européenne. Aux Etats-Unis, ils ont atteint 55% de parts de marché ! Or en France et à la même époque, ils ne dépassaient pas 5% ! Contrairement à une rumeur soigneusement entretenue, les médicaments génériques ne sont pas des médicaments inférieurs. Bien au contraire, ils sont une arme essentielle pour l’accès aux soins. Et cela même contre les maladies les plus récemment apparues comme l’infection à VIH-SIDA. Durant la dernière Assemblée mondiale de la santé réunie à Genève, les Etats-Membres de l’OMS ont ainsi été encouragés « à promouvoir l'accès à des médicaments de prix abordable grâce à la mise en place d'une politique énergique d'utilisation des produits génériques. » C’est dire à quel point le rôle de ces derniers est incontesté. Dans les pays les plus pauvres où ils permettent d’élargir considérablement l’accès au médicament. Et dans les pays développés où ils réduisent le poids économique du médicament, dégageant des ressources pour d’autres priorités. Les génériques permettent d’aller au-delà de la notion de soins élémentaires et de favoriser l’accès de tous à des soins de plus grande qualité. A condition d’être fabriqués selon les normes internationales de l’OMS, comme en France et dans les pays développés en général, ils sont une solution économique au problème du médicament. A condition d’accompagner le mouvement par une information et une éducation en profondeur. Sur le terrain, en direction du public mais aussi… des professionnels. D’ailleurs Bernard Capdeville, pharmacien d’officine dans la région bordelaise et Président de la Fédération des Syndicats pharmaceutiques de France, en appelle à une large coopération sur ce plan ! Un pharmacien sur cinq refuse les génériques ! « Il faut que l’Etat, l’industrie pharmaceutique et la presse nous aident à expliquer, qu’un générique est un produit qui a exactement les mêmes qualités que le médicament de référence. Sa seule différence, il est 30% moins cher, au minimum, c’est la loi. » L’expliquer ? Oui. Pas seulement au grand public. D’après un sondage réalisé par Le Moniteur des Pharmacies, 20% seulement des officinaux sont « très ouverts » aux génériques et les délivrent spontanément. Un autre groupe de 20% refuse purement et simplement d’entrer dans la substitution, et les indécis représentent 60% de ces professionnels. Autant dire que ce n’est pas gagné… Habituellement co-responsable de la prescription, le pharmacien peut à présent échanger de son propre chef le médicament prescrit contre un générique moins onéreux. Le seul moyen pour un praticien d’empêcher cet échange consiste à faire figurer la mention « non substituable » en regard du nom du médicament prescrit. En toutes lettres, et de façon manuscrite. Ce refus doit être fondé exclusivement sur les caractéristiques ou l’état du patient. Il doit pouvoir être justifié au regard de la déontologie professionnelle et… auprès de l’assurance maladie. Tout refus systématique ou suspect de motivations non médicales - idéologiques, par exemple - expose le médecin à des questions. Cette approche peut sembler contraignante. Elle présente cependant toutes les garanties, tant pour les patients que pour les professionnels. Sous réserve que la prescription comme la dispensation se fassent dans de bonnes conditions et que chacun, à son niveau de la chaîne du médicament, soit correctement informé. Le Dr Christian Dubroca, médecin généraliste à Bordeaux, souligne ainsi que « c’est un problème uniquement de communication. Parce que les patients sont informés la plupart du temps de leur substitution au dernier moment. Sans oublier qu’en France il y a toute une culture du médicament. Avec notre culture latine nous sommes habitués aux produits de référence. Il faut introduire progressivement les génériques, que les gens s’habituent, parce que c’est une question de progression, c’est tout. » Nul ne peut contraindre le patient... C’est tout ? Pas seulement. Il faut aussi une bonne dose d’éducation, d’accompagnement du patient. Car sans son adhésion personnelle à la démarche générique, celle-ci risque de perdre beaucoup de son impact, droit de substitution ou pas. Or nul ne peut contraindre le patient à accepter la substitution. Pour le convaincre de son bien-fondé, une communication en douceur s’impose. Car changer les habitudes d’un malade n’est pas simple ! Lorsque qu’un médecin a prescrit un médicament et que le pharmacien propose un générique, ce n’est pas gagné d’avance. Toujours selon ce sondage, 11,3% acceptent très souvent, 26% acceptent plutôt souvent et 55,3 % sont « parfois » d’accord…. En revanche, entre 6 % et 20 % refusent. Le pharmacien lui, est un peu pris entre l’arbre et l’écorce. Dans le but d’encourager la délivrance des génériques, les pouvoirs publics ont mis en place des « incitations » parfois… contraignantes. Des objectifs budgétaires précis ont été fixés aux pharmaciens. La substitution doit atteindre 35% des ventes dans les classes thérapeutiques concernées. Ce sera possible à condition que la substitution se développe réellement dans la prise en charge des maladies chroniques. « Prendre le temps d’expliquer » Car en effet, Christian Dubroca distingue entre maladies aiguës et chroniques. Les premières – des angines, des otites ou rhino-pharyngites par exemple - durent tout au plus quelques jours. Les maladies chroniques en revanche, durent des mois. Ou même des années. Ces affections - diabète, hypertension artérielle, athérosclérose, asthme, glaucome chronique… - nécessitent un réel accompagnement. « La plupart du temps ce sont des personnes âgées qui ne se déplacent pas toujours à la pharmacie. C’est l’aide-ménagère, le voisin qui fait les courses, qui portent les médicaments, le médecin n’est pas là pour vérifier et c’est là que peuvent arriver des incidents. Ils sont habitués à la couleur de leur pilule, à la couleur de la boîte, à tout un cérémonial. Et quand on leur bouleverse tout ça sans les avoir prévenu, ça peut faire un fiasco. » Dans la majorité des cas, les réticences tombent au fur et à mesure des explications. Il est ainsi plus judicieux de remettre une brochure sur les génériques que de contraindre le client a les accepter. Pour Bernard Capdeville, le rôle du pharmacien est ici essentiel. Quelles que soient les circonstances, il insiste sur le fait que le pharmacien devrait s’interdire, au fil des renouvellements d’ordonnance, tout changement de médicament de substitution. La stabilité dans la substitution est essentielle. Elle est garante de la fidélité du malade et de sa bonne observance de la prescription médicale, ce qui est un gage de réussite, mais aussi de sécurité dans la prise en charge des maladies chroniques. Voilà pourquoi les pharmaciens, avec Bernard Capdeville, insistent auprès de l’industrie pharmaceutique : « Pour que les génériques soient identiques en tous points, jusqu’à la couleur de la dragée ou de la gélule pour ne pas perturber nos patients. Et là nous éviterons les confusions. » La consommation de génériques doit atteindre 20 % du marché d’ici 10 ans. Si elle y parvient, la France aura presque atteint alors le niveau que ses voisins aux économies comparables ont aujourd’hui. Chiche ?
Destination Santé
Résumé de la politique de confidentialité

Ce site utilise des cookies afin que nous puissions vous offrir la meilleure expérience utilisateur possible. Les informations sur les cookies sont stockées dans votre navigateur et remplissent des fonctions telles que vous reconnaître lorsque vous revenez sur notre site Web et aider notre équipe à comprendre quelles sections du site Web vous trouvez les plus intéressantes et utiles.

Plus d'informations sur notre politique de cookies sur nos CGU.

Aller à la barre d’outils