TMS : quand le travail fait mal…

06 mai 2005
Ils frappent à la main, aux poignets, au coude et aux épaules… En quelques années les troubles musculo-squelettiques, les désormais fameux TMS, ont pris une importance considérable. Presque alarmante. A tel point que les spécialistes parlent d’une véritable «bombe à retardement». Les TMS, ce sont en fait 15 pathologies reconnues par le tableau 57 des maladies professionnelles. Les plus fréquents sont le syndrome du canal carpien, la tendinite des épaules et l’épicondylite, une affection qui frappe le coude. A lui seul, le syndrome du canal carpien nécessite plus de 80 000 interventions chirurgicales chaque année en France ! Il résulte de la compression du nerf médian, qui descend le long du bras jusqu’à la main. Il est caractérisé par des fourmillements et un engourdissement - souvent nocturne - de trois doigts de la main : le pouce, l’index et le majeur. Comme c’est le cas pour le syndrome du canal carpien, les TMS ont donc en commun d’affecter les muscles, les tendons et les nerfs des membres et de la colonne vertébrale. Ils ont également en commun, leur relation avec le travail. Des mouvements répétitifs et rapides, mais aussi une mauvaise ergonomie du poste de travail… les TMS sont essentiellement liés au geste professionnel. Par exemple, les troubles de la région lombaire sont souvent associés au transport ou au soulèvement de charges. Ou alors à des vibrations. Ceux des membres supérieurs (doigts, mains, poignets, bras, épaules, cou…) peuvent résulter d’un effort statique, répétitif ou très prolongé. Une augmentation de 20% par an… Ils concernent les salariés de secteurs aussi divers que l’automobile, l’agro-alimentaire, la confection. Les métiers du tertiaire, notamment ceux qui exigent l’utilisation de postes informatiques sont aussi touchés. Aujourd’hui en France, sept maladies professionnelles reconnues sur dix sont des TMS ! Depuis une quinzaine d’années, le nombre de cas augmente de façon exponentielle : + 20% par an, avec une « pointe » à… 33% en 2002 ! Un record. En février dernier, la première étude épidémiologique menée sur ce sujet par l’Institut de Veille Sanitaire, l’InVS, a confirmé l’ampleur des dégâts. D’après ce travail conduit dans la région des Pays-de-la-Loire, 13% des salariés ont un TMS diagnostiqué par un médecin du travail. Et le facteur professionnel est en cause dans près de neuf cas sur dix ! Face à ce phénomène, les politiques commencent à se mobiliser. Les TMS figurent au cœur du Plan Santé au travail 2005-2009, présenté en février dernier par Gérard Larcher, le ministre délégué aux relations du travail. Objectif : réduire de 20% la fréquence de ces troubles à l’horizon 2009. Des politiques qui s’attaquent au problème, voilà une vraie victoire pour les chercheurs et bien sûr… les malades. Car le lien entre ces maladies et le travail fut long à se dessiner. Aujourd’hui il ne souffre plus aucune contestation. L’objectif des chercheurs n’est désormais plus de convaincre de son existence. Mais de les prévenir. Dresser un état des lieux des connaissances scientifiques sur ce sujet et faire progresser la prévention, ce sont d’ailleurs les principaux objectifs du 1er congrès francophone sur les TMS des membres supérieurs organisé à Nancy, les 30 et 31 mai. Agir vite pour limiter les dégâts… Michel Aptel en est l’un des organisateurs. Il est responsable du laboratoire de biomécanique et d’ergonomie à l’Institut national de Recherche et de sécurité. L’INRS ? C’est un organisme spécialisé dans la prévention des accidents et des maladies professionnelles. A ses yeux, « il faut agir vite pour limiter les dégâts… Car avec le vieillissement de la population, on va avoir de plus en plus de salariés vieillissants et de plus en plus de cas de TMS si rien n’est fait. » Car le risque de TMS augmente avec l’âge. Environ 6% des 20-29 ans présentent un TMS. Contre 26% des 50-59 ans. Voilà pourquoi, de l’avis des spécialistes, nous sommes face à une véritable bombe à retardement. Pour les entreprises bien sûr. Mais aussi pour l’Assurance maladie. Car aujourd’hui, le nombre de jours d’arrêts de travail liés aux TMS représente déjà les trois-quarts du total des arrêts de travail liés aux maladies professionnelles… Comment d’ailleurs expliquer cette explosion, passée et à venir ? Car après tout, le travail intense et répétitif ne date pas d’aujourd’hui… D’autant que la pénibilité du travail semble a priori avoir diminué par rapport au travail à la chaîne des Temps Modernes. Ou dans les mines de charbon, dans Germinal… Cette explosion s’explique bien sûr par une meilleure reconnaissance des maladies et un meilleur diagnostic. Mais pas seulement. Pour Michel Aptel, « tout est une question de ressenti par rapport à cette pénibilité du travail. » Bien sûr, des progrès considérables ont été faits pour améliorer ce que l’INRS appelle la pénibilité objective : les charges ont baissé, la durée du travail a diminué. Mais dans le même temps, la précarité a augmenté, la robotisation des tâches humaines également. Et que dire de la productivité… En quelque sorte, la pénibilité a changé de nature. Mais aujourd’hui les chercheurs sont en mesure de dire que les TMS ne sont pas seulement liés aux gestes professionnels répétitifs et rapides. Ils s’inscrivent dans un contexte psychosocial. Où le ressenti d’un travailleur sur sa tâche revêt une importance considérable. Par exemple, la situation ne sera pas la même entre l’artisan qui régule son mouvement et organise ses temps de pause, et le salarié d’une chaîne de fabrication qui doit suivre le rythme imposé. Prévenir, prévenir et encore prévenir… Aujourd’hui, la meilleure arme contre les TMS, c’est tout simplement la prévention. Mais elle est à la mesure du problème, c’est-à-dire complexe. Pour Michel Aptel, « la réponse directe de prévention consiste à agir sur le travail et en particulier sur deux dimensions du travail : son organisation et la conception des outils et des postes de travail ». L’OMS a également édité une brochure intitulée « la prévention des troubles musculo-squelettiques sur le lieu de travail ». Vous pouvez vous la procurer gratuitement via internet, à l’adresse www.who.int. Puis tapez le mot-clé TMS. De nombreux conseils illustrés par des dessins et relatifs à l’ergonomie du poste de travail y sont prodigués. Dans les entreprises françaises, des « actions TMS » se mettent peu à peu en place. Dans l’industrie agro-alimentaire, les ergonomes et autres « préventeurs » travaillent par exemple sur l’ergonomie des outils. Comme celles des manches de couteaux à découper par exemple ! Dans l’industrie automobile, de nombreuses adaptations sont également apportées sur les chaînes de production. L’on a vu ainsi apparaître des bras articulés montés sur les visseuses, pour libérer l’opérateur des contraintes liées au port de l’outil. D’autres visseuses contiennent également un système qui absorbe les chocs ou les vibrations. Enfin, des balancelles attachées à la chaîne, permettent un travail en hauteur sans piétinement ni déplacement. Car tous les outils sont disposés sur la balancelle. Les exemples ne manquent donc pas. Mais les TMS ne sont pas exclusivement liés au travail. Vous pratiquez le tennis ? Saviez-vous justement que le fameux tennis-elbow, caractérisé par des douleurs au coude, était un TMS ? Enfin, il vous est sans doute arrivé de taper un message-texte sur votre téléphone portable... Attention, danger. Le TMS guette ! A tel point que les fabricants de téléphones portables, préconisent de faire des pauses régulières. Voire de s’échauffer les muscles de la main et du bras avant de se lancer dans la rédaction de messages textes. Bref, les TMS attaquent de partout… même les auteurs de SMS !
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