Vers une Croix-Rouge encore plus solidaire ?
08 juin 2005
Aujourd’hui Président de la
Croix-Rouge française (CRF), Jean-François Mattei a inauguré son mandat avec le drame du tsunami qui a frappé l’Asie du Sud. Un cataclysme que l’organisation humanitaire a géré selon lui, de manière «
exemplaire ». Et qui naturellement, a quelque peu retardé la présentation de son programme personnel pour la CRF.
«
Je me sens très bien dans ma peau. » Franc, direct, le nouveau Président de la Croix-Rouge s’affiche comme un homme sans regrets. Pour sa vie professionnelle en tout cas ! «
J’ai fait un premier parcours de scientifique avec passion. J’ai été parlementaire pendant 13 ans, puis ministre de la santé pendant 2 ans. J’ai également aimé ce travail. Aujourd’hui je suis dans un troisième parcours de vie. »
Elu le 19 décembre, Jean-François Mattei vit l’onde de choc provoquée par le Tsunami, comme le monde entier. Sauf que lui, il est acteur. L’homme, «
inexpérimenté » sur le plan humanitaire, doit agir. Vite. En fait, il a seulement dû «
suivre et prendre progressivement la barre. J’ai trouvé un bateau en état de naviguer par gros temps avec un équipage qui connaissait les manœuvres. »
En quelques heures les équipes se mettent en place. «
Spontanément le dimanche 26 (le jour même de la catastrophe, n.d.l.r.) dans l’après-midi, le personnel s’est rassemblé au siège. » Soudainement le rythme s’accélère. «
Le lendemain, nous avions nos premiers évaluateurs sur le terrain. Le 28 notre équipe de réponse urgente médicale a décollé pour le Sri Lanka. Le 30 des spécialistes pour la production d’eau potable et quatre équipes de quatre secouristes se sont rendus dans les zones sinistrées. »
« Soulager les souffrances là où elles sont et où il n’y a pas de solution… » Après l’urgence les caméras sont reparties, l’émotion s’est évaporée. Pourtant la tâche restait immense. «
Quand vous avez sauvé quelqu’un de la noyade, vous ne le plantez pas sur la berge. Naturellement vous l’accompagnez dans les heures qui suivent. Nous devons donc aussi assumer la post-urgence. » Pourtant aux yeux de Jean-François Mattei la mission de la Croix-Rouge va bien au-delà de l’unique gestion de la post-urgence. «
La logique nous conduit ensuite à réinstaller définitivement ces vies dans des conditions d’épanouissement et de bonheur retrouvés. Ce qui présuppose un toit, une éducation, des soins, un outil de travail pour gagner sa vie, un environnement sécurisé. Cela s’appelle le développement durable. »
Un des axes sur lesquels le Président de la Croix-Rouge veut agir et qu’il compte mettre en avant les 24 et 25 juin prochain au cours de l’Assemblée générale de l’organisation. «
Je pense que l’action humanitaire doit désormais intégrer la notion de développement durable. C’est une première orientation du programme que je vais présenter. »
Il dévoilera ce dernier à la fin du périple qui lui fait actuellement «
rencontrer l’ensemble des délégations départementales et locales de France. » Son ambition ? Pas de révolution. De l’adaptation. En clair, poursuivre «
l’idéal de la Croix-Rouge qui est de soulager les souffrances là où elles sont et là où il n’y a pas de solution. Nous devons orienter nos activités dans des domaines qui ne sont pas correctement couverts par les secteurs public et privé.»
« Notre société n’est pas assez solidaire » Jean-François Mattei prend l’exemple de la maladie d’Alzheimer. «
Il y a des listes d’attente partout. C’est une affection qui a pris notre société de court. Personne n’avait anticipé le vieillissement de la population. Les besoins sont immenses, la Croix-Rouge doit probablement prendre sa part en priorité dans ce secteur. »
L’autre idée forte de son programme, c’est la formation, notamment aux métiers de service à la personne. «
Notre société n’est pas assez solidaire. Or nous avons besoin de lien social. Il existe toute une gamme de métiers comme les assistantes maternelles, les aides ménagères, les aides-soignantes, les auxiliaires de vie qui présentent beaucoup d’avantages. »
Selon lui, ces formations pourraient offrir une deuxième chance à celles et ceux «
qui n’ont pas suivi une scolarité normale. Nous allons pouvoir les faire entrer dans un cursus de formation, leur donner un métier. Ils pourront passer du rôle d’exclu à celui qui inclut. » Du concret… D’ailleurs la Croix-Rouge dispose déjà de 30 écoles d’infirmières, aides soignantes, cadres, auxiliaires de puériculture… «
Nous pourrions créer des regroupements de filières pour les métiers de service à la personne dans nos instituts de formation. » Un projet qui paraît particulièrement motiver ce président qui lui trouve un «
supplément d’humanité, peu présent dans les formations strictement professionnelles. » Une humanité estampillée Croix-Rouge…