Drogues, alcool, psychotropes : vers un dépistage élargi sur le lieu de travail ?
20 mai 2011
Réservés jusque-là aux « postes à risques » dans certaines entreprises, le dépistage des drogues sur le lieu de travail va-t-il être (très) élargi en France ? Le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) estime en effet que ce type de dépistage est « acceptable sur le plan de l’éthique ». Et le nombre de métiers potentiellement concernés pourrait être important.
Saisi par la Mission Interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT), le CCNE considère comme « acceptable au plan éthique, le dépistage médical de l’usage des produits illicites en milieu de travail, à condition d’être uniquement une intervention dérogatoire de la société dans l’exercice des libertés individuelles. Souhaitable et justifié pour les postes de sûreté et de sécurité, ce dépistage devrait être élargi pour ces mêmes postes à l’abus et même à l’usage de l’alcool ».
Le CCNE propose ainsi de revenir sur l’actuelle appellation de « poste à risque » jugée « inadéquate parce qu’ambiguë. Elle s’applique bien à des postes où il existe pour le travailleur, un risque lié à la nature ou aux conditions d’exercice de son travail et auquel une politique de prévention doit permettre de remédier ».
« Mais », ajoutent les auteurs, « les dangers liés à l’usage de l’alcool ou de produits illicites concernent en réalité tous les postes comportant un enjeu de sécurité et exigeant une vigilance particulière. Laquelle est destinée à protéger non seulement le travailleur lui-même ; mais aussi ses collègues et les clients ou usagers de l’entreprise ». Et le CCNE de citer l’exemple d’une simple opération de maintenance sur un organe sensible d’un avion qui, si est mal effectuée, peut avoir des conséquences majeures.
L’alcool impliqué dans 10% à 20% des accidents du travail
Dans son avis n°114, le CCNE estime qu’au plan des risques en milieu de travail, « on considère que l’alcool est impliqué dans 10% à 20% des accidents de travail déclarés. ». Les chiffres concernant les produits illicites sont tout aussi saisissants : selon la MILDT en effet, sur quelque 1 200 000 usagers de cannabis en France, 550 000 en consommeraient au quotidien. Et cela sans compter les 250 000 « accros » à la cocaïne !
« Dans le contexte professionnel », poursuit le CCNE, « environ 10% des salariés consommeraient régulièrement ou occasionnellement des produits illicites. Au travail, la consommation est très variable selon les catégories socioprofessionnelles : très faible chez les agriculteurs (2,7%), elle atteint des pics chez les professionnels des arts et du spectacle< (17%) et à un moindre degré dans l’hôtellerie-restauration. Elle est de l’ordre de 9% chez les artisans, commerçants et chefs d’entreprise, de 7% chez les cadres et dans les professions intermédiaires. »
Les recommandations du CCNE seront-elles suivies d’effets ? La mise en place d’un tel dépistage n’est vraisemblablement pas pour demain… C’est ainsi que le Comité recommande avant tout, la mise en place d’une « campagne d’information sur les effets de la consommation d’alcool, de produits illicites et de l’abus de médicaments psychotropes sur la vigilance, les mécanismes sensoriels et les procédures d’apprentissage ». Ensuite ? Il conviendrait notamment de recenser, dans le détail, les « postes à risques ». Avant de laisser la place à la concertation. Une autre histoire…
Pour aller plus loin : Avis n°114 du CCNE – Usage de l’alcool, des drogues et toxicomanie en milieu de travail. Enjeux éthiques liés à leurs risques et à leur détection.