











« Il y a 10 ans, un patient n’aurait jamais eu l’idée de porter plainte contre son médecin. Mais depuis que les traitements se sont affinés, le cancer du sein notamment n’est plus synonyme de fatalité. Alors les patientes acceptent de moins en moins qu’il n’y ait pas de risque zéro en médecine », explique Véronique Estève, avocat à Nice. Spécialisée dans le domaine de la responsabilité médicale, elle est très régulièrement sollicitée pour participer à des congrès de médecins. Elle était d’ailleurs présente aux 33e Journées de la Société française de Sénologie et de Pathologie mammaire, à Marseille du 8 au 11 novembre dernier. « Il y a 10 ans, la présence d’un avocat dans un congrès de médecins était très mal vue. Aujourd’hui, il est le bienvenu », nous confie-t-elle.
Aujourd’hui, si les résultats ne correspondent pas à leurs attentes, les patients cherchent un responsable. Les raisons sont souvent les mêmes : une technique n’a pas donné les résultats escomptés ou un traitement a engendré des effets indésirables. Mais surtout, les patientes attaquent leur médecin en justice « lorsqu’elles estiment n’avoir pas été suffisamment informées », précise Véronique Estève.
Procédures : patient contre médecin
Sur ce point, la jurisprudence en matière médico-légale a favorisé cette évolution. En 1997, la Cour de cassation a publié un arrêt imposant au praticien d’apporter la preuve qu’il a bien informé le patient sur les risques induits par le traitement proposé. « Cette décision a fait évoluer une information orale vers l’emploi généralisé de documents d’information écrits en marge des consultations », ajoute-t-elle.
S’il s’estime lésé, le patient peut se tourner vers la Commission régionale de Conciliation et d’Indemnisation (CRCI). Un avis médical est alors rendu par un ou plusieurs experts désignés par la commission. Ceux-ci déterminent s’il y a eu perte de chance pour le patient, par défaut de diagnostic. Mais aussi il arrive aussi que le patient soit indemnisé sans faute du médecin, en cas d’aléa thérapeutique ou d’infection nosocomiale. Si tel est le cas, sur proposition de la CRCI, les assureurs ou l’Office national d’Indemnisation des Accidents médicaux (ONIAM) proposent une indemnisation. « Des conciliations il n’y en a jamais », signale Véronique Estève, « ce n’est pas ce que les patients recherchent. »
Un métier à risque
La pratique médicale, autrefois paternaliste, a radicalement changé. D’une époque où le patient n’avait rien à dire, nous sommes aujourd’hui passés à un autre extrême. « Nous sommes dans un système d’autonomisation totale du patient. C’est à lui de décider s’il veut des soins ou pas, et lesquels », souligne Véronique Estève. « Et le praticien a intérêt à se protéger par l’écrit, surtout si le patient refuse des soins proposés ».
Résultat : les compagnies d’assurances des praticiens les forment au risque médico-légal auquel ils seront confrontés. « On a évalué qu’un gynécologue qui commence sa pratique en 2010-11 sera amené à connaitre 17 procédures en justice au cours de sa carrière », conclut Véronique Estève.
Source : Interview le 29 novembre 2011 de Véronique Estève, avocat à Nice, spécialisée dans le domaine de la responsabilité médicale; de notre envoyée spéciale au 33è journées de la Société française de Sénologie et de Pathologie mammaire à Marseille, du 8 au 11 novembre 2011