Ebola, des centres de soins tenus par… les populations locales
31 octobre 2014
La formation de personnels pour les centres de soin et d’isolement Ebola parmi les populations locales est une des clés de la lutte contre l’épidémie. ©Martin_Zinggl
Isoler précocement les malades et réaliser des enterrements sécurisés. Ces deux pierres angulaires de la lutte contre l’épidémie d’Ebola sont à l’esprit des acteurs qui combattent ce fléau. Mais pour convaincre les populations du bien-fondé de ces mesures, l’ouverture de centres de soin et d’isolement au cœur des communautés locales est de plus en plus nécessaire. Ainsi le premier d’entre eux va-t-il être inauguré en Sierra Leone, à Port Loko, lundi prochain. Un dispositif qui pourrait faire la différence, en aidant notamment à déterminer rapidement si un malade fiévreux souffre d’Ebola ou… de paludisme.
Port Loko est une ville du Nord-Ouest de la Sierra Leone. Ses habitants ont récemment vécu une tragédie liée à l’épidémie. « Il y a quelques semaines », nous raconte Winifred Romeril, porte-parole de l’OMS en Sierra Leone, « ils ont vu arriver, aux abords de leur cité, des villageois de bourgs voisins malades, à la recherche d’une place dans un hôpital. Par peur d’Ebola, ils ne les ont pas laissés entrer en ville et les malheureux sont morts dans les champs environnants… » Traumatisés par ce malheur et rongés par un sentiment de culpabilité, « ils ont décidé, avec l’aide des acteurs nationaux et internationaux luttant contre l’épidémie, de construire un centre de soins sur le site ».
Intégrer des centres de soin et d’isolement au sein même des communautés est une « stratégie gagnante » selon Winifred Romeril. Les malades et leurs familles sont plus enclins à y être admis dès les premiers symptômes. En l’absence de ces structures, « de fortes réticences persistent », souligne-t-elle. « Les gens ont peur et ne veulent pas que leurs proches malades soient emmenés loin d’eux, dans un centre d’isolement tenu par des étrangers, pour ne peut-être jamais revenir », explique-t-elle. Alors trop souvent, « ils ne disent pas qu’ils sont malades et restent chez eux. » Leurs proches les soignent à domicile, et une fois morts, ils sont enterrés de façon traditionnelle. La pire combinaison qui soit pour propager la maladie…
Personne pour gérer ces centres sur le long terme ?
« Le principe des petits centres d’isolement au cœur des communautés locales n’est pas nouveau, mais il a fallu beaucoup expliquer pour qu’il soit accepté », explique la porte-parole de l’OMS. Et les organisations internationales luttant contre l’épidémie avaient concentré tous leurs efforts à construire des structures pouvant accueillir le plus de malades possibles. Aujourd’hui, nous en sommes tous convaincus, « plus la structure est petite, plus c’est efficace ». Ces centres sont composés de 8 lits, 4 pour les cas suspects dans une zone, et 4 autres pour les malades d’Ebola avérés dans une autre. « Les mesures de sécurité et d’isolement entre les malades et les personnels soignants sont les mêmes que dans les grands centres », rassure Winifred Romeril. « Draconiennes. »
Pour prendre soin de ces patients, 24 intervenants sont nécessaires. Infirmiers, personnel de ménage, de sécurité, volontaires soignants…. « Essentiellement des membres de la communauté, formés aux mesures de sécurité, notamment aux procédures d’habillage et de déshabillage avec la combinaison de protection », précise-t-elle. Toutefois, cela ne suffit pas. « Pour assurer la sécurité et la gestion sur le long terme de cette structure, il faut des professionnels qualifiés et entraînés. Nous avons besoin que d’autres organisations ou associations internationales se proposent de gérer ces centres au long cours », insiste Winifred Romeril. Pour que les volontaires locaux soient toujours encadrés. En effet, « nous savons comment éviter les contaminations de soignants, mais cela demande une attention constante, et donc un encadrement adéquat ».
Ne pas confondre Ebola et… palu
L’isolement précoce des malades suspects d’Ebola dans un centre local permet aussi d’éviter d’envoyer des malades atteints de paludisme – les symptômes sont similaires à ceux d’Ebola au début -, dans un grand centre de soin. Au risque qu’ils soient eux aussi contaminés. Médecins sans frontières (MSF) s’est d’ailleurs préoccupé de cette situation. Pour soigner les malades du paludisme, laissés par ailleurs à leur sort par un système de santé totalement effondré, l’ONG a décidé de « distribuer un traitement qui est à la fois curatif et préventif ». L’objectif étant d’« éliminer le risque que des patients fiévreux considérés comme des cas d’Ebola se retrouvent dans des centres de traitement Ebola en contact avec des personnes contaminées », explique MSF. L’ONG va ainsi distribuer un traitement antipaludéen à quelque 300 000 personnes à Monrovia, au Libéria.
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Source : interview de Winifred Romeril, porte-parole de l’OMS en Sierra Leone, 30 octobre 2014 – MSF, 30 octobre 2014
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Ecrit par : Dominique Salomon - Edité par : Emmanuel Ducreuzet