Ecrans : les préados exposés à la pornographie
06 octobre 2017
Khakimullin Aleksandr/shutterstock.com
Smartphones, tablettes, ordinateurs et consoles de jeux… Les écrans sont de plus en plus omniprésents dans la vie des enfants, leur permettant un accès toujours plus facilité aux contenus d’Internet. Les plus jeunes sont ainsi exposés à des dangers dont beaucoup de parents ne sont pas conscients. Parmi eux, le visionnage accidentel d’images à caractère pornographique est de plus en plus précoce.
« Un enfant a en moyenne 11 ans lorsqu’il est exposé pour la première fois à du contenu pornographique en ligne », révèle une enquête conduite par l’association Ennocence*. « Souvent de façon accidentelle ». Comment expliquer ce phénomène inquiétant ? « Les enfants sont de plus en plus connectés et possèdent souvent, dès l’âge de 10 ans, un smartphone, une tablette, voire un ordinateur portable », explique Gordon Choisel, président d’Ennocence. Ce qui « augmente les risques d’exposition à des contenus inappropriés comme la pornographie mais aussi les escroqueries en tout genre. »
Un phénomène accentué par « un modèle économique particulier fondé sur l’illégalité des plateformes de streaming et de téléchargement illégal », poursuit Gordon Choisel. « Ces sites utilisent la contrefaçon comme produit d’appel, en diffusant illégalement des contenus de dessins animés, de séries télé ou de films grand public gratuitement. » Ainsi appâté, le spectateur est exposé, sans son consentement, à des publicités souvent illégales. « Les fenêtres pop-up qui pullulent sur les sites illégaux, mais aussi dans une moindre mesure sur les réseaux sociaux sont à l’origine de 72% des expositions accidentelles d’enfants au porno », révèlent ainsi les résultats de l’enquête d’Ennocence.
Parents : une prise de conscience nécessaire
Ce constat effectué, comment protéger les enfants de ces dangers digitaux ? « Une prise de conscience est nécessaire pour les parents, comme pour les enseignants », estime Gordon Choisel. « Moins d’un parent sur deux surveille systématiquement ce que fait son enfant sur Internet, pensant que la rue est plus dangereuse », poursuit-il. Pourtant, « à certains égards, la toile est peut être plus dangereuse que la rue. Mais les parents n’en ont pas conscience car ils pensent que leurs enfants ont les mêmes pratiques qu’eux sur Internet ». Or l’utilisation des jeunes générations est bien plus large et intense que celle de leurs aînés.
Comment protéger les plus jeunes d’Internet ? « Le recours aux plateformes légales est une première solution pour réduire le risque », suggère Gordon Choisel. Mais avant tout, « le dialogue avec les enfants est essentiel ». Ce que confirme le Pr Philippe Duverger, pédopsychiatre au CHU d’Angers. « Voir des images pornographiques entraîne la sidération et un sentiment de culpabilité chez l’enfant qui reste le plus souvent silencieux », explique-t-il. Ces expériences peuvent entraîner des « traumatismes psychiques ».
Prévenir et rassurer
Il est donc essentiel de « prévenir les enfants », conseille le Pr Duverger. « Expliquez-lui, dès 10-11 ans, qu’il y a des choses violentes et qu’il ne comprendra pas sur Internet. S’il en voit par accident, il doit vous en parler pour que vous en discutiez », poursuit-il. « Dites-lui bien qu’il n’est pas question de le punir. » Objectif, « développer son esprit critique, démystifier les images et prendre du recul ». Et quoi qu’il en soit « avant l’entrée au collège, les enfants ne devraient pas avoir accès à Internet seuls », souligne-t-il.
Que lui dire s’il a vu des images inadaptées ? « Ecoutez-le, répondez à ses questions, puis dites-lui que ces images ne sont pas le reflet de la réalité. Prenez de la distance en critiquant les images et en rappelant à votre enfant les belles choses de la vie », recommande Philippe Duverger.
*l’association milite pour la protection des enfants contre les risques d’exposition à la pornographie en ligne, principalement sur les sites de téléchargement et de streaming illégaux
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Source : interview de Gordon Choisel, président de l’association Ennocence, 28 septembre 2017 – interview du Pr Philippe Duverger, pédopsychiatre au CHU d’Angers, 2 octobre 2017
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Ecrit par : Dominique Salomon - Edité par : Emmanuel Ducreuzet