En France, le sexisme « ordinaire » ne recule pas

23 janvier 2023

Le constat est dressé par le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes : le sexisme perdure, et ses manifestations les plus violentes s’aggravent. Dans son 5e rapport annuel sur l’état du sexisme en France, le HCE formule des propositions pour inverser la tendance.

Le rapport sera remis ce mercredi 25 janvier au président de la République, mais on en connaît déjà la conclusion, basée à la fois sur des chiffres officiels et sur un sondage réalisé par l’institut Viavoice auprès de 2 500 personnes représentatives. En résumé : cinq ans après la prise de conscience et la libération de la parole liées au mouvement #MeToo, la France est loin d’en avoir terminé avec le sexisme et ses manifestations les plus violentes.

Dans le détail, si le HCE salue des progrès aux niveaux politique (avec la nomination d’une femme comme Première ministre), économique (celle de la présidente de l’Autorité des marchés financiers), et dans la lutte contre les violences (augmentation des budgets et moyens de la police et de la justice), « le rapport dresse le constat d’une société française qui demeure très sexiste dans toutes ses sphères », aussi bien dans l’espace public que numérique, au niveau professionnel comme privé. Ainsi, selon le ministère de l’Intérieur, le nombre de victimes de violences conjugales a augmenté de 21% pendant la période 2020-2021.

Comment se manifeste ce sexisme « ordinaire » ? « L’opinion est paradoxale », constate le HCE. En effet, si la majorité des personnes interrogées reconnaissent et déplorent l’existence du sexisme, elles ne le rejettent pas en pratique, tout particulièrement chez les hommes. Ces derniers sont par exemple 67% à considérer que le fait qu’un employeur embauche un homme plutôt qu’une femme à compétences égales est un problème, contre 84% des femmes. Dans un autre registre, 13% des femmes et 34% des hommes pensent que « les poupées c’est pour les filles et les camions pour les garçons ».

Les plus âgés… et les plus jeunes. Le rapport pointe également un phénomène en augmentation : si les hommes de plus de 65 ans sont les plus nombreux à exprimer des opinions conservatrices qui enferment hommes et femmes dans des rôles stéréotypés (ils sont par exemple 49% à trouver normal que les femmes s’arrêtent de travailler pour s’occuper de leurs enfants, contre 40% en moyenne), les plus jeunes ne sont pas en reste. Une part non négligeable des hommes de moins de 35 ans semble ainsi adhérer aux thèses « masculinistes », qui postulent que les « hommes souffrent d’une crise identitaire parce que les femmes en général, et les féministes en particulier, dominent la société et ses institutions ».

En réponse, ces jeunes hommes revendiquent une « masculinité hégémonique » et leur fierté d’être des hommes. Dans le sondage, cela se traduit par le fait que 23% pensent qu’il faut parfois être violent pour se faire respecter (11% en moyenne) et que 21% pensent qu’en voiture, il faut rouler vite (contre 9% en moyenne). Un homme de 25 à 34 ans sur cinq considère enfin qu’il faut vanter ses exploits sexuels à ses amis pour se faire respecter en tant qu’homme dans la société (contre 8% en moyenne).

Et les femmes ? Dans la rue, les transports, au sein du foyer, pendant leurs études ou dans le monde du travail… Au total, 80% des femmes interrogées ont déjà eu l’impression d’avoir été moins bien traitées en raison de leur sexe (37% chez les hommes). Au travail par exemple, « 23% des femmes ont vécu un écart de salaire avec un collègue homme à poste égal ou compétences égales et 13% une discrimination à l’emploi ». Quant aux violences physiques, sexuelles et psychologiques, les réponses sont encore plus alarmantes : 37% des Françaises interrogées ont déjà vécu une situation de non-consentement lors d’un rapport sexuel. Et 15% ont déjà subi des coups portés par leur partenaire ou ex-partenaire (20% chez les 50-64 ans).

Les propositions du HCE. Hommes et femmes tombent d’accord sur un point dans ce sondage : l’action des pouvoirs publics est insuffisante. C’est également l’avis du HCE, qui formule une dizaine de propositions pour inverser la tendance. Il réclame notamment plus de moyens pour la justice, la régulation des contenus numériques qui banalisent stéréotypes et représentations dégradantes, l’obligation de formation contre le sexisme pour les employeurs ou l’interdiction de la publicité pour les jouets genrés. L’intégralité du rapport et des propositions est à lire ici.

  • Source : Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes - Janvier 2023

  • Ecrit par : Charlotte David - Edité par : Emmanuel Ducreuzet

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