











La génétique, c’est – relativement – simple: un gène particulier code pour une protéine particulière, toujours selon les mêmes règles de traduction. Petit problème: ça n’explique pas tout. En effet, comment comprendre par exemple, que des cellules comme les cellules totipotentes de l’embryon, qui au départ disposent du même matériel génétique, évoluent sous des formes aussi différentes que des cellules osseuses ou nerveuses? Par les mécanismes épigénétiques, qui permettent de favoriser ou d’empêcher l’expression des gènes. Et cela, sans les modifier en tant que tels.
Périconception
L’un des ces mécanismes est la ‘méthylation‘, et nécessite la mise en œuvre de ‘groupements méthyle‘, des composés chimiques fournis par l’alimentation. C’est particulièrement vrai en période périconceptionnelle, c’est-à-dire à proximité immédiate de la conception. C’est en effet lorsque se forment les gamètes, et au moment même de la fécondation, que surviennent des changements majeurs touchant la méthylation.
Très logiquement, c’est donc lorsque l’on commence à vouloir avoir un enfant – et à faire ce qu’il faut pour y parvenir… -, que l’on doit penser à bien équilibrer son alimentation. Et à veiller à ces fameux donneurs de méthyle. On peut les obtenir grâce à l’acide folique (présent dans les légumes à feuilles vert foncé, les légumes secs et le foie), la vitamine B12 (abats, jaune d’oeuf, produits laitiers), les vitamines B6 et B2 (viandes, poissons, oeufs) et le zinc (huîtres, germe de blé, foie).
Pourtant, la méthylation se poursuite tout au long de la vie. Et par voie de conséquence, alimentation équilibrée et vie saine seront toujours utiles !
Une étude grandeur nature
Pollution, stress, alimentation… tous ces facteurs seraient susceptibles d’introduire des modifications génétiques. L’étude GEMINAL ( pour ‘Gene expression modulation by intervention with nutrition and lifestyle’, ou ‘modulation de l’expression des gènes par une intervention sur la nutrition et le style de vie’) a été menée en 2008 aux États-Unis. Elle a concerné 30 patients atteints d’une forme peu agressive de cancer de la prostate, qui tous avaient refusé de se voir traiter. Plutôt que de suivre un traitement conventionnel, ils ont modifié drastiquement leur alimentation : 10 % de lipides au maximum, des aliments complets, crudités, supplémentation en soja, en huile de poisson, en vitamines E et C, en sélénium. Leur mode de vie aussi a été amendé : une heure de relaxation ou yoga – contre le stress -, et une demi-heure de marche chaque jour.
A la fin de l’étude, il est apparu que l’activité génique au niveau des tissus prostatiques était modifiée. Les gènes impliqués dans la formation de cellules tumorales en effet, se sont avérés sous-activés. Attention, pas d’allégresse précipitée: la progression de la tumeur en elle-même n’a pas été évaluée, et l’étude en question ne comportait pas de groupe témoin. Impossible donc, de comparer ces résultats avec ceux de patients qui n’auraient introduit aucun changement dans leur alimentation ni dans leur style de vie.
Toujours est-il que des travaux comme celui-ci font bouger les lignes. Il y a longtemps que l’on connaît l’impact de l’environnement sur les maladies et leur prévention. Aujourd’hui, l’épigénétique commence probablement à lever un peu le voile sur la façon dont cela se passe…
Source : Proceedings of the National Academy of Sciences, vol. 105, n° 24, pp. 8369-8374. Le guide nutrition et santé, éditions Vidal, 480 pages, 24 euros.
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