Etudiants : comment apprendre à vivre seul ?  

15 septembre 2023

Terminé le lycée, il est temps de quitter le nid pour commencer sa vie étudiante. Ce qui signifie pour certains, dont le domicile familial est éloigné des grandes villes, apprendre à vivre seul. Et si la plupart des étudiants ont soif de liberté, se retrouver dans son studio est une étape parfois compliquée à franchir. Comment passer sereinement ce cap ? Aline Nativel Id Hammou, psychologue à Nanterre et professionnelle du dispositif Santé psy étudiant, nous répond.

 

 

Pourquoi se retrouver seul dans un logement peut être source d’appréhension chez les jeunes étudiants ?

Aline Nativel Id Hammou : On retrouve chez nombre d’entre eux ce fort désir de quitter le domicile familial, pour plus de liberté et d’autonomie. Mais dès qu’ils sont confrontés au principe de réalité, ils réalisent qu’ils sont seuls dans un nouvel espace, souvent petit. Dans de nombreux témoignages, on retrouve ce déséquilibre entre ce désir de liberté et la réalité. Ces jeunes adultes se retrouvent dans un nouveau chez-eux, qui est aussi un nouveau territoire à conquérir. Avec tout un tas de nouvelles responsabilités qui vont avec.

C’est-à-dire ?

Il faut apprendre à s’organiser, gérer sa vie, faire des courses, réaliser des démarches administratives, faire attention à sa consommation d’électricité, gérer un budget. C’est parfois un tsunami de charges à endosser. Ainsi, après avoir expérimenté leur capacité à rester seuls, certains étudiants subissent un phénomène anxieux parce qu’ils ne sont pas si à l’aise qu’ils le pensaient avec cette autonomie.

Vous parliez du logement comme d’un nouvel espace à conquérir, comment faire ?

Il ne faut pas négliger la déco, l’agencement, les objets, la literie. Ça peut être une tasse dans un placard, une affiche au mur, des cosmétiques dans la salle de bains, ce sont des choses qui comptent. Il faut tout faire pour créer un cocon agréable et à son image. Rentrer dans un espace vide et le remplir, le transformer avec des objets qu’on aime, est une dynamique positive qui aide vraiment à s’approprier les lieux. Il ne faut pas forcément recréer sa chambre d’ado, c’est le moment de réfléchir à ses nouveaux goûts et ne pas copier les anciens. Ce qui compte : créer un chez-soi sécurisant qui ressemble au jeune adulte qu’on est devenu.

Trouver et mettre en place ses propres habitudes comptent également ?

Oui, c’est un nouveau contexte, il faut tester. Ce qui fonctionne dans la vie de famille, peut ne plus fonctionner dans le studio étudiant. On tâtonne, on teste et on finit par mettre en place ses propres rituels. Cela peut être par exemple tester toutes les boulangeries de son quartier, trouver celle qu’on préfère et en faire « sa » boulangerie. Tout cela permet de construite sa propre vie et de sentir sécurisé.

Peut-on se préparer à être seul ?

S’organiser, penser à ce dont on a besoin dans son logement, s’intéresser aux transports pour se rendre à l’école ou à la fac peut aider. Réfléchir en amont à cette nouvelle vie permettra de s’y conditionner petit à petit. On peut aussi anticiper le fait qu’il y aura des moments de creux, d’ennui mais qui sont parfaitement normaux. Il est important de les normaliser pour les gérer au mieux. Il faut prendre conscience que ce ne sera pas forcément facile mais qu’on va y arriver.

Être seul face à soi-même, cela peut aussi être angoissant…

Oui, ce n’est pas simple. C’est souvent propice à une introspection qui n’a pas forcément été choisie. Mais on parle-là de jeunes adultes, ils ont des choix à faire, ont besoin de prendre du recul sur certaines situations, de réfléchir aux changements qui s’opèrent dans leur vie. J’essaie, en consultation, de leur faire comprendre qu’être seul face à soi-même peut aussi être bénéfique pour réfléchir, trouver des solutions, prendre des décisions.

Vous parliez d’ennui. L’ennui est une problématique que rencontrent beaucoup d’étudiants ?

Oui. La dynamique familiale est souvent un élan de vie, même si on ne s’en rend pas compte. Beaucoup d’étudiants se trouvent dans l’incapacité de sortir de l’ennui. Et ils n’en avaient pas conscience dans le foyer familial, avec toutes leurs habitudes réglées, ritualisées. Cela peut d’ailleurs finir par déclencher des angoisses.

Quels conseils donner à un étudier qui ressent ce mal-être ?

Il est important de s’écouter ! Si un étudiant ressent le besoin d’appeler ses parents, il faut qu’il le fasse. J’observe souvent cette volonté de ne plus demander d’aide, de ne pas se confier quand ça ne va pas. Mais c’est un vrai soutien de rester dans une démarche de dialogue avec ses référents éducatifs, ses parents le plus souvent, ou même d’autres membres de sa famille. On peut prévoir par exemple une visio avec ses parents une fois dans la semaine ou un appel tous les deux jours. Pour se rassurer, on peut aussi avoir besoin, seul dans son logement de laisser une lumière allumer pour s’endormir. Ce n’est pas un problème, il faut s’écouter, je le répète.

Et cela peut durer combien de temps, ce besoin d’être rassuré ?

Plus on est à l’écoute de ses petites peurs, moins elles vont durer. Il faut que les étudiants aient en tête que c’est un passage transitoire. Cela ne veut pas dire qu’on est faible, vulnérable ou qu’on est trop attaché à ses parents. Créer du lien social est aussi recommandé, pour cela il faut faire l’effort de se rendre au bureau des étudiants, pousser la porte d’associations… Et il ne faut pas hésiter à parler de ses difficultés car de nombreux étudiants ressentent exactement la même chose. Réaliser qu’on n’est pas tout seul aide beaucoup.

Et si le cap est finalement trop difficile à surmonter ?

Les étudiants ont désormais droit à huit séances gratuites avec un psychologue dans le cadre du dispositif Santé psy étudiant. Ils peuvent aussi se tourner vers les services médicaux universitaires ou les lignes d’écoute pour les étudiants. Cela peut permettre de décharger et de prendre du recul d’avoir un psychologue en ligne.

  • Source : Interview de Aline Nativel Id Hammou, psychologue, jeudi 7 septembre

  • Ecrit par : Dorothée Duchemin – Edité par : Emanuel Ducreuzet

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