Faut-il réaliser ses fantasmes ?

09 décembre 2021

Du plus simple au plus sophistiqué, les fantasmes peuplent nos imaginaires érotiques. Faut-il pour autant les assouvir ? Mieux vaut s’abstenir, nous répond le Dr Francis Collier, ancien directeur du diplôme de sexologie à l’université de Lille et ancien président de la Fédération française de sexologie et de santé sexuelle.

Conscients ou inconscients, tout simples ou très élaborés, les fantasmes érotiques tiennent une place plus ou moins importante dans notre vie psychique. Mais, dans la très grande majorité des cas, il faut « les laisser à leur place », estime le Dr Collier. « Car si on réalise notre fantasme, on risque de le perdre ».

Destination Santé : Existe-t-il un ou plusieurs types de fantasmes ?

Dr Francis Collier : La fonction fondamentale du fantasme est d’amener davantage d’excitation. Il en existe trois catégories. D’abord, les fantasmes extrêmement sophistiqués qui dans la majorité des cas, ne sont pas réalisables : si on fantasme sur une star de cinéma, la probabilité pour qu’un jour on la rencontre et qu’on passe à l’acte est tout de même extrêmement faible. Ici, le problème ne se pose pas vraiment. Il y a ensuite les fantasmes liés à ce qu’on a pu vivre dans le passé. Or, nous transformons nos souvenirs, nous les enjolivons, donc si on essaie de revivre quelque chose qu’on a enjolivé, on sera forcément déçu. Je pense par exemple à ces patients très enthousiastes qui me racontaient qu’ils avaient retrouvé leur premier amour et qui se projetaient dans une histoire qui serait forcément merveilleuse. Le plus souvent, cela ne fonctionne pas.

D.S. : Et la dernière catégorie ?

Dr F.C : Il s’agit du fantasme simple, basique, élémentaire. Mais là aussi, il faut être conscient que si on le réalise, on perd notre fantasme. Car l’acte se passe généralement beaucoup moins bien que lorsque c’était juste un fantasme. Faire l’amour à l’homme ou la femme de sa vie sur une plage déserte par exemple. Il est probable que le sable qui s’invite pendant l’acte et qui gratte n’était pas présent dans mon fantasme… Et pourtant, dans la réalité, il y a du sable ! C’est pareil avec les insectes ou les épis de blé si on rêve de faire l’amour dans un champ… Forcément, on sera déçu.

D.S. : La déception est donc le principal risque si l’on réalise un fantasme ?

Dr F.C : Il peut aussi y avoir une sorte d’escalade dans la sophistication du fantasme, même si c’est beaucoup plus rare. Par exemple, le fantasme des bas résilles est très fréquent chez les hommes. Mais cela ne veut pas dire que leurs partenaires doivent en porter toutes les nuits, ou aller encore et toujours plus loin. Dans certains cas, cela peut devenir extrêmement dangereux. Laissons les fantasmes à leur place, laissons-les vivre et évoluer, parce qu’ils évoluent avec le temps. 

D.S. : Faut-il fixer des limites, à soi et à son partenaire ?

Dr F.C : Chacun a son seuil d’acceptabilité : si je suis à l’aise avec l’idée de porter des bas résilles, si cela ne me met pas mal dans ma peau, il n’y a pas de raison de ne pas en porter. Mais si ça me bloque complètement, je n’en mets pas et puis c’est tout. Chez les femmes, il n’est pas rare que les fantasmes relèvent du registre de la soumission, mais cela ne veut pas dire que cette soumission est désirée en dehors du moment du rapport sexuel ! Donc il faut être capable d’expliquer ses désirs à son partenaire et de s’assurer qu’il a bien compris, dans ce cas précis, qu’il n’était pas question d’abuser de ce fantasme de soumission et de faire de sa partenaire un objet. La communication entre partenaires est essentielle.

D.S. : La non-réalisation des fantasmes n’expose-t-elle pas à l’appauvrissement de la sexualité ?

Dr F.C : Je ne dis pas qu’il faut standardiser la sexualité : toujours faire l’amour dans un lit, dans une chambre… Mais le fantasme est quelque chose de personnel. A l’inverse, il y a l’imaginaire érotique du couple, qu’on travaille ensemble. C’est bien, au niveau du couple, de faire cette distinction et de permettre à cet imaginaire commun de se développer.

 

  • Source : Interview du Dr Francis Collier, ancien directeur du diplôme de sexologie à l’université de Lille et ancien président de la Fédération française de sexologie et de santé sexuelle, le 30 novembre 2021

  • Ecrit par : Charlotte David - Edité par : Emmanuel Ducreuzet

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