Gardasil : un principe de précaution… économique ?

25 novembre 2006

Au terme d’un parcours considéré comme exemplaire, le vaccin contre le virus HPV (Gardasil) aurait été lancé selon la Direction générale de la Santé (DGS), « sans attendre les recommandations des pouvoirs publics. » Une affirmation qui fait tache…

Nos lecteurs connaissent bien la genèse de ce vaccin, le second après celui contre l’hépatite B qui permette de prévenir un cancer humain. Un acquis majeur pour la santé publique. Encore faut-il que tous les tenants et aboutissants en soient connus.

Or souligne un communiqué de la DGS, c’est à la mi-décembre seulement que « le Conseil supérieur d’hygiène publique de France (CHSPF) émettra (…) des recommandations sur l’utilisation de ce vaccin. », prenant en compte son « impact potentiel en termes de santé publique. »

Car d’une part il « ne protège que contre certaines des souches (virales) susceptibles d’induire des cancers génitaux féminins (environ 80%). D’autre part, (…) on ne connaît pas aujourd’hui la durée de la protection qu’il confère. Or les cancers surviennent plusieurs années après la contamination. La prévention continuera donc de reposer sur le dépistage, même si l’apport de ce vaccin peut se révéler très intéressant. Enfin, ce vaccin ne protège pas vis à vis d’autres virus à transmission sexuelle, il conviendra donc de rester vigilant en matière de prévention des infections sexuellement transmissibles. »

Les pouvoirs publics auraient manifestement préféré que le fabricant attende, pour mettre son vaccin sur le marché, que soient closes les « négociations » relatives à sa prise en charge. En effet, « ce vaccin est susceptible d’être admis au remboursement dans le courant du premier semestre 2007. Compte tenu des incertitudes liées à toute nouvelle vaccination de masse, il sera alors indispensable de mettre en place des outils (mesurant) l’impact de ce vaccin sur la santé de la population, tant en ce qui concerne la pharmacovigilance que le suivi de l’écologie virale et l’apparition des lésions histologiques. » Il faudra pour cela que le CHSPF émette des recommandations à partir desquelles la commission de la transparence de la Haute Autorité de Santé (HAS) se prononcera sur son service médical rendu (SMR).

250 000 morts par an, qui appelaient le vaccin!

Tout cela se traduira par un avis donné au ministre… Rien ne permet d’affirmer que celui-ci en tiendra compte. Le précédent du vaccin anti-hépatite B, qui valut à la France d’être tancée par l’OMS, parle de lui-même… En tout cas, c’est « le ministre (qui) décidera de l’inscription au remboursement de ce vaccin et de la population qui en bénéficiera (…). » Le comité économique des produits de santé négociera le prix (actuellement 145 euros la dose), et l’Union nationale des Caisses d’Assurance-maladie fixera le taux de prise en charge. On le voit, cette application du « principe de précaution » est aussi financière.

Le fabricant pour sa part, plaide la transparence. Arguant que le Gardasil s’est vu délivrer une autorisation de mise sur le marché (AMM) en 9 mois seulement, soulignant que l’AFSSaPS était co rapporteur du dossier, Sanofi Pasteur MSD précise que « toutes les autorités concernées étaient informées de nos intentions. Nous avons naturellement lancé un plan de minimisation des risques, et dans tous les pays ce vaccin a bénéficié d’une revue accélérée. Cela étant les enjeux de santé publique sont tels qu’il était pleinement légitime de le mettre dès maintenant à la disposition du plus grand public. » A titre indicatif, il y aurait selon l’OMS 440 millions de femmes infectées par HPV dans le monde. Et chaque année, 250 000 morts par cancer du col.

  • Source : Ministère de la Santé et des Solidarités, Direction générale de la Santé, 24 novembre 2006, 20:48 ; Interview Sanofi Pasteur MSD, 25 novembre.

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