Grippe aviaire : pourquoi la surveillance des animaux est-elle si importante pour l’Homme ?

03 février 2025

Des oiseaux sauvages aux vaches laitières, en passant par les élevages de volailles, de visons et ensuite l’homme, la grippe aviaire a plusieurs fois franchi la barrière de l’espèce ces dernières années. A tel point que de nombreux scientifiques voient en elle la menace d’une prochaine pandémie. D’où l’importance de surveiller la transmission du virus chez les animaux.

Un cas humain de grippe aviaire a été détecté en Angleterre, a annoncé lundi 27 janvier l’agence de sécurité sanitaire britannique (United Kingdom Health Security Agency, UKHSA). Aux Etats-Unis, ce sont plus de 60 cas humains qui ont été détectés ces 10 derniers mois, une personne est décédée à la suite de l’infection. De nombreux experts alertent : la grippe aviaire pourrait bien être la prochaine pandémie.

Concrètement, quels sont les risques ? Dans un article publié le 29 janvier 2025, l’Agence national de sécurité sanitaire (Anses) fait le point sur les risques actuels pour les animaux et les humains. Le virus a plusieurs fois franchi la barrière de l’espèce, notamment avec de nombreuses contaminations dans les élevages de bovins aux Etats-Unis, en Europe également, dans des élevages de visons. Ce qui augmente la probabilité qu’il se propage à un autre mammifère, l’homme.

Le virus actuel de la grippe est-il plus préoccupant que les virus précédents ?

Les virus qui circulent actuellement sont issus du clade 2.3.4.4b. « Les virus H5 de clade 2.3.4.4b sont préoccupants par leur large distribution mondiale chez les oiseaux domestiques ou sauvages, avec un impact écologique et économique important, y compris depuis 2023 dans des zones auparavant non touchées (Amérique du Sud, Antarctique) », explique Nicolas Eterradossi, vétérinaire et directeur de laboratoire à l’Anses. Ce sont des virus issus de ce clade qui ont franchi à plusieurs reprises la barrière de l’espèce.

Le spécialiste insiste sur une surveillance nécessaire du virus chez les animaux, enjeu de santé publique. « Le virus peut de surcroît se transmettre dans certaines conditions entre mammifères, comme ce qui a été observé dans des élevages laitiers aux États-Unis ou dans des colonies de mammifères marins. Ceci fait craindre, en cas de circulation non maîtrisée, l’émergence possible d’une souche de virus H5 transmissible entre êtres humains. Maîtriser la circulation de ces virus contribue donc à la fois à préserver la santé animale et la santé publique ».

De grandes capacités d’adaptation du virus

A ce jour aucun bovin n’a été contaminé en Europe. L’Anglais infecté l’a été par un contact avec des oiseaux. Mais selon Eric Cardinale, directeur scientifique de la santé animale à l’Anses, il « a été démontré expérimentalement que les virus circulant en Europe pouvaient infecter les ruminants ». Et de pointer lui aussi l’importance de la surveillance (outre les mesures de sécurité comme la vaccination des canards, la mise à l’abri des animaux et l’élimination rapide des foyers) : « Nous surveillons le risque possible d’introduction du virus qui circule actuellement aux États-Unis, et qui pourrait être introduit en Europe lors des mouvements migratoires des oiseaux sauvages au printemps et à l’automne ou à l’occasion d’une introduction du virus par un humain ou un animal contaminé dans un troupeau ».

Quel est le risque que le virus qui circule actuellement mute pour atteindre la capacité d’une transmission interhumaine ? « La capacité des virus influenza à échanger du matériel génétique est considérable, ajoute-t-il. Et les capacités d’adaptation du virus sont également conséquentes. Il a été observé ponctuellement des mutations qui permettaient à ces virus de s’installer plus facilement chez les mammifères, et notamment chez l’être humain ».

L’approche One Health essentielle pour prévenir l’évolution du virus

Pour l’heure les virus qui circulent outre-Atlantique n’ont pas acquis suffisamment de mutations pour s’adapter à l’homme. « Il est important de maintenir une surveillance des virus circulants chez les espèces animales, pour identifier toute évolution du virus [qui irait] dans le sens d’une meilleure adaptation aux mammifères et nous permettre d’anticiper ». Actuellement, les volailles domestiques, oiseaux sauvages et mammifères y compris marins sont tous sous surveillance. Car plus le virus contaminera de nouvelles espèces, plus il mutera et plus le risque de transmission à l’homme est élevé.

Auprès de Franceinfo, Pierre Bessière, chercheur à l’école vétérinaire de Toulouse, explique que la grippe humaine, historiquement, vient des oiseaux. « Ce que ça veut dire c’est, qu’à un moment, il y a un virus influenza aviaire qui est passé chez un mammifère, qui s’est adapté au mammifère et a ainsi acquis la capacité de circuler de manière pérenne (…)  Le fait qu’un virus passe d’un oiseau à un mammifère n’est pas quelque chose à prendre à la légère. Il y a de fortes chances que, tôt ou tard, on ait une nouvelle pandémie causée par ces virus ».

Envisager la santé animale et humaine, dans un seul et même prisme, c’est le concept du One health (une seule santé). Selon de nombreux scientifiques, dont les membres du Comité de vieille d’anticipation des risques sanitaires (Covars) ou l’autorité européenne de sécurité des aliments, l’approche One Health est essentielle pour prévenir l’évolution du virus.

  • Ecrit par : Dorothée Duchemin – Edité par Vincent Roche

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