Grossesses adolescentes : un silence criant
08 mars 2011
Le nombre des grossesses précoces ne cesse de progresser à travers le monde, particulièrement dans les pays en développement. Mais certains pays très développés comme les Etats-Unis et le Royaume-Uni, sont également concernés. Selon l’association Gynécologie Sans Frontières, qui vient d’organiser un colloque à Paris sur ce sujet, chaque jour dans le monde 38 500 de ces grossesses « adolescentes » seraient recensées.
Leurs conséquences socio-économiques et sanitaires sont très souvent, gravissimes. Les explications de Luc de Bernis, Conseiller principal en Santé maternelle auprès du Fonds des Nations-Unies pour la Population (UNFPA).
« En Ethiopie par exemple, l’âge moyen du mariage est de 16 ans. Cela veut dire que dans certains cas, l’union peut intervenir dès 8-9 ans. Or le mariage précoce est l’une des raisons majeures des grossesses adolescentes », nous explique-t-il.
Et ces grossesses se terminent trop souvent, en drames.« Les jeunes filles ont un risque plus élevé de décéder pendant leur grossesse et notamment leur accouchement, parce qu’elles sont davantage exposées aux complications. » La mortalité maternelle est ainsi, deux fois plus élevée chez les adolescentes que chez les autres femmes. « Beaucoup ont un bassin trop étroit et peuvent rester en travail pendant des heures, voire des jours si elles n’ont pas accès aux services de soins de santé maternelle », précise Luc de Bernis. Lorsqu’elles n’en meurent pas, elles risquent de souffrir d’une fistule obstétricale.
Celle-ci survient à l’occasion d’un travail anormalement prolongé, lorsque les tissus du vagin, de la vessie et/ou du rectum sont comprimés ou ischémiés par interruption de la circulation sanguine. Il en résulte l’établissement d’une communication anormale, d’un trou entre vessie et vagin ou rectum, provoquant une incontinence urinaire ou fécale. Cette communication se fait par une sorte de canal allongé en forme de flûte (fistula en latin) que l’on appelle une fistule. Ces complications dramatiques surviennent le plus souvent lorsque la parturiente n’a pu bénéficier d’une césarienne en temps voulu. « En raison de leur état, ces jeunes femmes sont alors bien souvent abandonnées par leur conjoint, exclues de leur famille ou de leur communauté ».
En collaboration avec de nombreux partenaires et en particulier des ONG, le FNUAP a lancé en 2004 une campagne mondiale visant à éradiquer la fistule obstétricale. Luc de Bernis estime qu’il reste beaucoup à faire dans les pays en développement. « Nous devons impérativement renforcer les services de santé de reproduction », insiste-t-il. « L’accès des adolescents à l’éducation sexuelle, à la contraception, au préservatif, sont des choses extrêmement importantes qui permettraient d’éviter les grossesses non désirées et celles survenant chez l’adolescente ».
Selon l’OMS, un grand nombre de ces cas pourrait être évité « en éliminant les pratiques traditionnelles nocives et en assurant l’accès aux soins obstétricaux en temps opportun ». Mais aussi en retardant l’âge de la première grossesse.