GVH chronique : une maladie rare encore trop ignorée

11 décembre 2025

Fatigue intense, douleurs, atteintes pulmonaires, oculaires ou cutanées… Des mois, parfois des années après une greffe de moelle osseuse, certains patients voient leur vie basculer. Ils développent une GVH chronique, maladie rare et méconnue qui touche pourtant 30 % à 40 % des personnes greffées pour traiter une hémopathie maligne ou bénigne. Cette complication altère profondément leur qualité de vie. Pire encore : elle reste sous-diagnostiquée et insuffisamment prise en charge. Face à ce constat, des experts se mobilisent sur le terrain pour améliorer le diagnostic et l'accompagnement des patients.

Une complication post-greffe aux conséquences durables 

« La réaction du greffon contre l’hôte chronique, ou GVH chronique, est une complication possible après une greffe de cellules souches hématopoïétiques », explique le Dr Anne Huynh, responsable de l’unité de greffe de cellules souches hématopoïétiques et de thérapie cellulaire au CHU-Institut Universitaire du Cancer de Toulouse-Oncopole, et présidente de la Société Francophone de Greffe de Moelle et de Thérapie Cellulaire (SFGM-TC).

« En France, un peu plus de 2 000 allogreffes sont réalisées chaque année, et 30 à 40 % des patients risquent de développer une GVH chronique. » Cette affection peut toucher tous les organes : peau, poumons, foie, tube digestif, muqueuses… « Elle peut survenir de manière très variable, parfois de façon insidieuse, parfois de façon brutale. »

Souvent, la GVH chronique touche des patients déjà fragilisés par des traitements lourds. « Elle agit comme une maladie auto-immune : le nouveau système immunitaire issu du greffon s’attaque à l’organisme du receveur », précise le Dr Huynh. Chronique et persistante, elle entraîne fatigue, anxiété et perte d’autonomie. « Ses conséquences dépassent la sphère médicale : scolarité, travail, vie familiale ou sociale… La réinsertion est souvent difficile. D’où l’importance d’une prise en charge globale, médicale, psychologique et sociale. »

Vers un parcours de soins post-greffe mieux coordonné 

La GVH chronique nécessite l’intervention de nombreux spécialistes. « Un patient peut présenter plusieurs atteintes », explique le Dr Anne Huynh. « Aucune spécialité ne peut la gérer seule. La coordination entre hématologues et spécialistes d’organes est donc essentielle. » Or cette organisation reste très inégale selon les régions. « Certains territoires manquent de praticiens formés ou de centres greffeurs suffisamment équipés. Il faut harmoniser les pratiques et renforcer le travail en réseau pour garantir à tous les patients le même niveau de suivi », souligne-t-elle.

Des initiatives existent déjà : des réunions de concertation pluridisciplinaire (RCP) dédiées à la GVH chronique réunissent régulièrement des spécialistes autour des cas complexes. « Ces échanges permettent d’améliorer la prise en charge et de diffuser les bonnes pratiques. » À l’approche du nouveau plan greffe, la SFGM-TC plaide pour une reconnaissance officielle de la GVH chronique comme maladie rare, avec un parcours de soins structuré. Le Dr Huynh défend aussi la création de réseaux régionaux de spécialistes et la mise en place d’un protocole national de diagnostic et de soins (PNDS).

Un Collectif pour la reconnaissance de la GVH 

Sept associations de patients – Egmos, ELLyE, Association Laurette Fugain, Restart, Fédération Leucémie Espoir, CCM et France Moelle Espoir et avec le soutien de la SFGM-TC – ont créé en juin 2025 le Collectif “Agir ensemble pour la reconnaissance de la GVH chronique”. Leur objectif : faire sortir de l’ombre cette maladie encore trop méconnue. Derrière ce combat, une urgence : garantir à tous les patients un parcours de soins clair, structuré et équitable. Car selon le Collectif, l’accès à une prise en charge reste inégal selon les régions. Il demande donc la mise en place d’un parcours fléché, coordonné entre spécialistes d’organes et centres experts, au sein de la filière Santé Maladies Rares.

Les spécificités de la Bretagne : un réseau structuré pour mieux accompagner les patients 

Certaines régions ont structuré la prise en charge de la GVH via la mise en place de réseaux de spécialistes. C’est le cas de la Bretagne, où la coordination entre hématologues et spécialistes d’organes est particulièrement aboutie. « La greffe de moelle reste un traitement rare, réalisé uniquement dans les centres experts », rappelle le Pr Tony Marchand, hématologue au CHU de Rennes. « Les patients viennent parfois de très loin, et les médecins des structures de soins périphériques ne sont pas toujours formés aux spécificités de la GVH. » Une difficulté majeure alors même que les premiers signes doivent être identifiés rapidement.

Pour y répondre, la région s’appuie sur un outil clé : le réseau BREHAT, qui réunit tous les services d’hématologie des hôpitaux bretons. « Nos réunions hebdomadaires en visioconférence constituent la première réunion de concertation pluridisciplinaire de France en nombre de dossiers discutés. Cela garantit une orientation rapide vers le centre expert et une prise en charge homogène », souligne le Pr Marchand. À cela s’ajoutent des réunions régulières et des séminaires qui entretiennent les liens entre les équipes – beaucoup d’hématologues de la région ayant été formés à Rennes.

« La Bretagne dispose aussi de correspondants formés à la GVH dans plusieurs spécialités (dermatologie, pneumologie, ophtalmologie…), ce qui facilite l’accès à un avis expert. L’infirmière de coordination de greffe joue un rôle crucial grâce au suivi téléphonique, souvent déterminant pour repérer les premiers symptômes. Les liens humains sont forts, et c’est un vrai moteur pour la qualité des prises en charge », insiste le Pr Marchand.

  • Source : Interview du Pr Tony Marchand, novembre 2025

  • Ecrit par : Emmanuel Ducreuzet – Edité par : Vincent Roche

Destination Santé
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