H1N1 : retour sur une pandémie qui a fait Pschiiitt

02 avril 2010

Une commission d’enquête sénatoriale se penche actuellement, sur la gestion publique de la grippe pandémique A/H1N1. Et elle auditionne pour cela, de nombreux acteurs de cette prise en charge. Les principaux éléments constitutifs d’éventuels dysfonctionnements ont été évoqués.

Les liens des experts avec l’industrie. Les experts se sont vus reprocher ces derniers mois, leurs liens avec l’industrie, et surtout de n’avoir pas rendu publics avant novembre 2009, de possibles conflits d’intérêts. Le Pr Bruno Lina, directeur du Centre national de Référence du Virus de la Grippe pour le sud de la France et le Pr Daniel Floret, président du Comité technique des Vaccinations, ont clairement fait valoir aux sénateurs qu’ils avaient bel et bien déclaré ces liens d’intérêts. Ils ont également précisé que la demande ne leur en avait été faite que très tardivement. Ils ont par ailleurs, donné la raison de leurs relations avec ces industries. « Les experts ne sont pas devenus experts par l’opération du Saint-Esprit, mais en travaillant sur des vaccins, » a par exemple précisé Daniel Floret. « Ils ont alors forcément dû pour cela, rencontrer (des représentants de) l’industrie. Vouloir détruire tout lien des experts avec l’industrie pharmaceutique n’est pas réaliste. Et cela nuirait à la qualité de l’expertise. »

Pourquoi commander 94 millions de doses ? « Nous avons toujours pensé, et dit, que la vaccination était l’un des piliers de la lutte contre l’épidémie » a rappelé Bruno Lina. « Début mai 2009, les chiffres étaient très alarmants. Les services de réanimation dans l’hémisphère sud étaient débordés. Nous nous sommes( peut-être) inquiétés trop vite, mais nous ne le savons que maintenant. »

Le Dr Jean-Marie Cohen, épidémiologiste et coordinateur national du réseau des GROG, s’est néanmoins étonné que les contrats de commande de vaccins n’aient pas été assortis d’une condition concernant le nombre de doses, en fonction de la nécessité d’une ou deux injections. « Le débat se posait déjà à ce moment-là » a-t-il souligné.

Pourquoi les médecins généralistes n’ont-ils pas été impliqués? »
Il ne fait pas de doute que la surestimation de l’ampleur du phénomène pandémique ait joué un rôle à cet égard. « Nous avons pensé que les médecins libéraux seraient débordés par la prise en charge et n’auraient pas le temps de vacciner » a indiqué Bruno Lina.

Les conditions de la vaccination, ensuite: « les vaccins ont d’abord été délivrés en multidoses, c’est-à-dire qu’il fallait vacciner plusieurs personnes en même temps » a souligné Daniel Floret. « Puis, l’ordre de priorité (jeunes enfants, asthmatiques, femmes enceintes, etc.), aurait rendu difficile pour les médecins de ville, le refus de vacciner les familles d’un nourrisson… » Les Drs Bensoussan et Jean-Louis Cohen (président du réseau des GROG) ont cependant insisté sur l’ampleur du fossé entre les soignants et les autorités. « Les médecins généralistes auraient pu être davantage impliqués. Cela indique une méconnaissance du monde libéral. »

Inquiétude excessive, travail sous tension, manque de communication entre certains acteurs… et peut-être surtout l’attente d’avis tranchés malgré les incertitudes se sont sans doute associés pour arriver au résultat actuel . Rappelons ainsi qu’à la date du 29 octobre 2009, l’OMS recommandait toujours une vaccination par deux doses successives. Comme toutes les crises, celle-ci n’a donc pas de cause unique et les responsabilités sont partagées aux niveaux local, national et… international.

  • Source : Commission d'enquête du Sénat, 31 mars 2010.

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