Hépatite B, cancers du foie… la France à contre-courant
21 avril 2009
« Il y a en France, une génération d’enfants sacrifiés. Ceux nés dans les 10 dernières années, qui n’ont pas été vaccinés contre l’hépatite B. Dans les pays où la vaccination est efficace, le nombre des cas d’hépatite B et de carcinome hépatique (le cancer primitif du foie, n.d.l.r.) diminue, mais attendons-nous à les voir augmenter en France… »
Titulaire de la Chaire de Vaccinologie de l’Université de Genève, Claire-Anne Siegrist préside la Commission fédérale suisse pour les Vaccinations. Cette spécialiste internationalement reconnue est aussi la seule étrangère au comité qui conseille le gouvernement britannique sur ces questions… En cette semaine européenne des vaccinations, son avis prend une résonnance singulière.
« Le jour où la France décidait d’arrêter de vacciner dans ses écoles, nous lancions nos programmes de vaccination scolaire » poursuit-elle. « Nous avons depuis, assisté à un véritable effondrement du nombre des hépatites B aigües en Suisse. Dans les cantons où 60% des adolescents sont vaccinés celui-ci a reculé de 90% et, là où seuls 40% des enfants sont protégés, le recul atteint malgré tout 60%. C’est logique : les adolescents ont des relations sexuelles entre eux. En protégeant un ado, on protège aussi ses partenaires… »
L’inverse est également vrai ! Fin 1998, lorsque Bernard Kouchner décide de ne plus vacciner systématiquement les adolescents, il est vigoureusement critiqué par l’OMS. Soulignant que « plus d’un milliard de doses (de vaccin) avaient été utilisées depuis 1981 avec un exceptionnel niveau de sécurité et d’efficacité », celle-ci dénonçait les « énormes pressions exercées (en France) par des groupes hostiles aux vaccinations ».
Une maladie « tout sauf rare »
Son choix surprit. Le ministre de la Santé de l’époque soulignait la sécurité du vaccin… tout en décidant de ne plus l’utiliser chez l’une des populations les plus à risque. Or les événements signalés en France ne l’ont jamais été … qu’en France. En 2002, l’OMS réaffirme le bien-fondé de la vaccination. En 2003, un consensus international de l’INSERM basé sur un nouveau bilan de pharmacovigilance, recommande « la vaccination universelle de tous les nourrissons, un programme de rattrapage (…) à destination des enfants et des adolescents, le renforcement de la vaccination des personnes exposées et l’accompagnement (…) par des mesures d’information du grand public et des professionnels de santé». Position réitérée en avril 2008 par le Haut Conseil de la Santé publique.
Claire-Anne Siegrist a participé à ce consensus. « Il était on ne peut plus clair. Or on attend toujours qu’il soit suivi d’effet. En réalité, les réponses des autorités de santé et des politiques (en France) ont été relativement molles, peu engagées…(Or) même dans les pays de faible endémie (comme la France, n.d.l.r.) le virus de l’hépatite B (VHB) est plus fréquent que celui du SIDA (VIH). Il y a donc plus de risque d’y être exposé qu’au VIH ». Or « le virus de l’hépatite B est 50 à 100 fois plus infectieux que le VIH », rappelle l’OMS.
Là est l’enjeu. Dans les pays de faible endémie, 0,5% de la population serait porteuse de l’antigène HBs traduisant une contamination par l’hépatite B. En France pourtant « un rapport de l’InVS publié en 2004 fait ressortir une proportion de 0,78% de porteurs » souligne notre spécialiste. Il y aurait donc 300 000 porteurs chroniques en France. Et comme « l’INSERM estime que l’hépatite B provoquerait chaque année 1 500 décès en France métropolitaine, (…) nous sommes en présence d’une maladie qui est tout sauf rare ».
Le virus de l’hépatite B est ainsi à l’origine d’une transplantation hépatique sur dix en France. A Taïwan pays vaccinateur, la mortalité par hépatocarcinome chez les moins de 15 ans a été réduite de plus de moitié entre 1984 et 1990. Mais dans l’état actuel des choses, les observateurs s’attendent à ce que le nouveau « plan de lutte » lancé en France au mois de février ait essentiellement un effet… d’annonce.