Humex, Dolirhume, Spasfon… Pourquoi ces médicaments sont-ils toujours en vente ?
30 octobre 2023
Médicaments contre le rhume exposant à des risques cardiovasculaires. Traitement pour apaiser les règles douloureuses n’ayant pas plus d’efficacité qu’un placebo. Entre inefficacité et dangerosité, ces produits pharmaceutiques sont pourtant toujours disponibles en libre accès. Pourquoi ? Le Pr Milou-Daniel Drici, directeur du centre régional de pharmacovigilance Nice-Alpes-Côte d'Azur nous éclaire.
Récemment l’Agence nationale de sécurité du Médicament (ANSM) alertait sur les risques liés aux vasoconstricteurs, ces médicaments utilisés pour soulager les symptômes de rhume. En cause, un risque accru d’événements cardiovasculaires, poussant l’autorité à déconseiller l’utilisation de ces produits.
Il y a quelques jours, l’ouvrage de Juliette Ferry-Danini « Pilules roses, de l’ignorance en médecine », remettait clairement en question l’efficacité du Spasfon, notamment dans le traitement des douleurs liées aux règles douloureuses. Un avis pas si nouveau puisque, en 2014, la Haute Autorité de Santé (HAS) expliquait que le service médical rendu du Spasfon dans la prise en charge des douleurs gynécologiques était faible. Avis que l’autorité sanitaire a réitéré depuis. Alors pourquoi de tels médicaments sont-ils encore en vente ?
La faute à l’Europe ?
Pour le Pr Milou-Daniel Drici, la principale raison est historique. « Jusqu’à récemment, c’est l’agence française du médicament qui décidait de l’autorisation de mise sur le marché à l’échelle nationale. Mais depuis, cette compétence est à l’échelle européenne sous l’égide de l’Agence européenne du médicament. Ainsi, de nombreux médicaments sont sur le marché français depuis plus de 60 ans (l’autorisation du Spasfon date de 1976, ndlr). Et beaucoup ont un service médical rendu considéré comme faible ou insuffisant pour justifier d’un remboursement. » On parle ici de « 11 000 spécialités qui doivent être réévaluées à intervalle régulier. Ce qui prend du temps, mais c’est à cette occasion que certaines ne sont plus renouvelées. »
Par ailleurs, pour qu’un médicament soit retiré du marché, « il doit remplir certaines conditions réglementaires. A savoir que des événements indésirables soient intervenus depuis la dernière évaluation ». L’ANSM a donc présenté le dossier « vasoconstricteurs » à l’Europe en février 2023 afin de réévaluer leur balance bénéfices/risques. Ce qui risque d’être long. Les autorités comptent donc sur les patients pour ne pas utiliser ces produits.
Pour ce qui est du Spasfon, malgré une « efficacité modeste, sa sécurité est acceptable ». En clair, le Spasfon, peu efficace mais pas dangereux. « Ce qui justifie qu’on le maintienne sur le marché », conclut le Pr Milou-Daniel Drici.
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Source : Interview du Pr Milou-Daniel Drici, directeur du centre régional de pharmacovigilance Nice Alpes-Côte d'Azur
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Ecrit par : Vincent Roche – Edité par : Emmanuel Ducreuzet