Implant cochléaire : une histoire… française ?
22 avril 2013
Emetteur du premier implant cochléaire portable (1974)
Véritable prouesse technologique, l’implant cochléaire destiné à restaurer l’audition, est né dans les années 50. Le Pr Claude-Henri Chouard, ancien chef du service ORL de l’hôpital Saint-Antoine (Paris) et membre de l’Académie nationale de Médecine a été le témoin actif d’une histoire qui se prolonge de nos jours.
« L’implant cochléaire est une prothèse auditive implantée, qui stimule électriquement les origines du nerf auditif, en court-circuitant l’organe sensoriel de Corti », indique le Pr Claude-Henri Chouard. Ce dispositif comprend deux parties principales, l’unité électronique implantée dans le rocher et le processeur vocal externe. Ce dernier est maintenant miniaturisé et porté discrètement derrière l’oreille.
Les sons sont captés par un microphone et transformés en signaux électriques. Ce signal est traité par le processeur vocal qui le convertit en impulsions électriques selon un codage spécial. Ces impulsions sont envoyées à l’émetteur (ou antenne) qui les transmet au récepteur implanté à travers la peau intacte au moyen d’ondes radio.
1957 : l’implant est né
Stimulé, le nerf auditif envoie des impulsions électriques jusqu’au cerveau où elles sont interprétées comme des sons. Le processus entier, de l’arrivée d’un son au traitement par le cerveau, est si rapide que l’utilisateur entend le son au moment où il se produit et ce, de manière continue.
Mais avant d’en arriver à un tel degré de sophistication et de perfection, l’implant a connu de multiples évolutions. Le premier implant a été conçu en 1957. « Il est l’œuvre de Charles Eyriès, otologiste et anatomiste parisien ainsi que du professeur de physique médicale, André Djourno ».
Eyriès eut l’idée de stimuler électriquement l’oreille interne d’un patient souffrant de paralysie faciale et de surdité. L’objectif était d’observer si cette stimulation pouvait entraîner des mouvements de son visage. « Djourno entreprit de fabriquer un implant composé d’un couple de bobines, dont l’une d’elles était branchée à une électrode, qu’Eyriès plaça contre une des branches du nerf acoustique », souligne le Pr Chouard. Les premiers résultats de cet implant dit monoélectrode furent satisfaisants. « Après quelques semaines, l’appareil tomba en panne, sans doute à cause d’une étanchéité défectueuse. » Et les deux Français n’ont pas poursuivi leurs essais.
En 1961, William House, à San Francisco reprit les travaux d’Eyriès. Il mit également au point un implant monoélectrode, beaucoup plus fiable. « Son système qui consistait à stimuler l’ensemble des fibres du nerf auditif, ne permettait de reconnaître que les rythmes de la parole. Mais il avait le mérite de sortir les sourds du silence total. « La communauté scientifique s’est intéressé à cela. Au démarrage ce fut une succession de découvertes fortuites. Cependant l’implant de House ne permettait d’entendre que jusqu’à 300 hertz, c’est-à-dire à peine le son que l’on entendait quand on décrochait un téléphone fixe avant de composer le numéro », explique le Pr Chouard.
Sortir les sourds du silence
Ensuite notre spécialiste a été l’un des acteurs des implants cochléaires. « Je posais le problème des fréquences à P. MacLeod, médecin physiologique spécialisé dans les fonctions sensorielles et directeur de recherches à l’Ecole pratique des hautes études, à Paris. Selon lui, l’implant monoélectrode ne pouvait permettre d’aller au-delà des 300 Hertz. Et avec ce système, les subtilités des voyelles et des consonnes passaient inaperçues. »
L’idée était donc de concevoir un implant comportant plusieurs électrodes. « Nous devions également les isoler les unes des autres pour ne pas qu’elles interfèrent entre elles. Autre problème à régler, se débarrasser des prises de courant transcutanées. « Avec MacLeod, dans les années 70, nous nous sommes rapprochés de la société Bertin qui avait mis au point des microprocesseurs. MacLeod suggéra aux ingénieurs d’utiliser ce nouveau composant pour effectuer à travers la peau, une transmission électromagnétique séquentielle de ces informations multiples et simultanées, qui représentaient l’environnement sonore ». La première implantation eu lieu à l’hôpital Saint-Antoine en septembre 1976.
« Nous sommes aujourd’hui capables de dire que 90% des patients souffrant de surdités totales peuvent réentendre avec l’implant cochléaire. Et dans la quasi totalité des cas, les surdités congénitales, peuvent être traitées à condition d’implanter les nourrissons suffisamment tôt. D’ici une à deux générations, on ne verra en France pratiquement plus de sourds-muets ». Aujourd’hui près de 200 000 personnes dans le monde bénéficient de la technologie des implants cochléaires.
Reste la question du prix. En France, un implant coûte 20 000 euros, auxquels il faut ajouter plus de 7 000 euros pour l’acte chirurgical et le séjour hospitalier. Un coût intégralement pris en charge par l’Assurance-maladie. Néanmoins, la Haute Autorité de Santé réserve cette prise en charge à certains centres spécialisés et dans le cadre de certaines indications.
Aller plus loin :
Ecrit par : Emmanuel Ducreuzet – Edité par : David Picot
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Source : Interview du Pr Claude-Henri Chouard, 12 avril 2013 – Annales françaises d’ORL, histoire de l’implant cochléaire (2010) 127, 288-296