Infertilité : des couples en mal de communication
14 décembre 2012
Au sein d’un couple l’annonce d’une infertilité est toujours une étape difficile. Pour réaliser leur projet, les futurs parents devront en passer par les contraintes de l’assistance médicale à la procréation (AMP), un cursus où la communication est un facteur-clé pour éviter l’effondrement du couple, et lui permettre de surmonter la difficulté dans une démarche unie. Les explications de René Gambin, psychologue à Nantes et bénévole auprès de l’association Amphore.
« Lorsque le diagnostic d’infertilité est confirmé, c’est le choc. En effet, le couple avait initialement prévu d’avoir un enfant de façon naturelle. Et parfois ce projet était ancré depuis très longtemps », souligne-t-il. C’est l’obstacle posé au désir d’enfant, qui impose le recours à l’AMP.
« La première difficulté tient au souci d’éviter toute culpabilisation. Particulièrement pour celui des deux qui souffre d’infertilité ». Or dans ce type de situation, ce sentiment de culpabilité est récurrent. Pour éviter d’en être submergé, « l’homme ou la femme concerné selon le cas, doit pouvoir dialoguer avec son partenaire avec simplicité, en laissant parler ses émotions. Il est fréquent que les hommes éprouvent une plus grande difficulté à les exprimer. Dans ces conditions, leur compagne risque de penser qu’ils sont insensibles à la situation ».
Se réserver des moments à deux
Au fil des rendez-vous chez le gynécologue, des prélèvements de sperme et des fécondations in vitro (FIV), différents tiers – secrétaires médicales, infirmiers, médecins – sont amenés à s’immiscer dans l’intimité du couple. « Ces démarches se transforment vite en corvée. Faire l’amour à un moment précis, imposé par l’horloge biologique, entame le désir et bloque parfois l’érection ». Pour René Gambin, plus le temps passe, plus les difficultés s’accumulent.
« Les deux partenaires doivent se réserver des moments pour se retrouver en couple », recommande-t-il. « Certains parviennent à mettre en place des jeux complices. Le mari fait les injections – à base d’hormones stimulant la maturation des follicules – à sa femme. Ils vont au restaurant en amoureux, mais ils s’arrangent pour être rentrés à temps pour la piqûre. »
Autre conseil : avoir une relation amoureuse et des rapports même en dehors des périodes d’ovulation. « Après de nombreux mois où les tentatives se sont succédées, cette recommandation est de plus en plus difficile à appliquer », souligne René Gambin. « Les couples sont obnubilés par la recherche du ‘bon moment’ pour une fécondation, et naturellement cela tue le désir. »
Un sentiment d’échec à surmonter
L’AMP, tous les couples qui l’ont vécue peuvent en attester, est une épreuve de longue haleine. Au fil des mois, « l’homme et la femme présentent rarement la même intensité émotionnelle. Il est rare aussi, qu’ils vivent ces émotions de manière simultanée. Pour les femmes, la médicalisation qui accompagne l’AMP est souvent plus difficile à vivre » que pour leurs compagnons. « Certaines sont déprimées, voire au bord du suicide ».
Au terme du parcours, « on constate un véritable effondrement psychologique. Lorsque le couple arrive à la 3e FIV sans succès (alors que l’Assurance-maladie n’en prend en charge que 4 au total, n.d.l.r.), il se vit souvent au terme d’un cheminement et commence à évoquer l’éventualité d’une adoption ».
A ce stade, la communication entre les deux partenaires n’est pas forcément plus aisée. « Il est fréquent qu’ils ne soient pas prêts simultanément pour envisager cette démarche. Adopter, c’est extrêmement compliqué d’un point de vue réflexif, comme d’un point de vue pratique ». Dans tous les cas, un couple en situation d’échec au regard de son désir d’enfant, se trouve contraint de rediscuter ses choix de vie. « On ne fait jamais le deuil de l’enfant qu’on n’a pas eu de façon naturelle. On a beau laisser ce désir dans un coin, il est toujours présent… »