La démoustication à la Réunion mise en cause

01 mars 2006

Près de 160 000 cas sur l’Ile de la Réunion, 1 173 à l’Ile Maurice et 1 800 à Mayotte. Encore n’est-ce pas tout : le virus du Chikungunya sévit également aux Seychelles et aux Comores. Partout des campagnes de démoustication sont à l’oeuvre. Un pis aller ?

Les îles de l’Océan Indien sont en quelque sorte peuplées par les moustiques, vecteurs de maladies que les spécialistes appellent des “arboviroses”. Dans un dossier de presse diffusé hier, le ministère de la Santé parle “d’effort massif en faveur de la démoustication“. Un moyen de lutte qui en réalité, serait voué à… l’inanité.

C’est l’avis de René Le Berre, entomologiste de réputation internationale et ancien Inspecteur général de Recherche à l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD). “Cela ne sert à rien. Car pour être efficace, il faudrait éliminer pratiquement tous les moustiques vecteurs. Ce qui est impossible ! Nous avions mené une expérience (dans ce sens) contre une autre parasitose transmise par insecte. Et même en éliminant 98% des vecteurs, il y avait encore beaucoup trop de cas“.

D’autant plus que dans le cas d’Aedes Albopictus -le moustique vecteur du chikungunya- l’infection “se transmet jusqu’à la cinquième génération. C’est-à-dire que l’arrière arrière-petite-fille d’une femelle porteuse du virus n’aura même pas besoin d’avoir piqué quelqu’un pour être contaminée. Elle le sera de naissance. Elle pourra ainsi, dès le premier jour de son existence, transmettre un virus acquis de son arrière arrière grand-mère“.

Pour notre spécialiste, il est déjà trop tard. “Là on est en retard. C’est de la politique cosmétique. Il faut montrer qu’on est là, agir (pour agir), donner de l’argent. Par exemple, le gouvernement va distribuer des répulsifs. Or dans un climat chaud et humide comme celui de la Réunion, ces produits ne vont agir que trois heures au maximum.

Il existe pourtant d’autres solutions. Notamment celle de l’assèchement des gîtes larvaires qui sont pour la plupart domestiques. “La seule chose que l’on puisse faire et que l’on fait très bien d’ailleurs, c’est d’empêcher les moustiques de se développer. C’est-à-dire qu’il faut assécher tous les gîtes larvaires créés par l’homme“. Et sans doute aussi, mettre toute l’énergie possible dans la recherche thérapeutique ou vaccinale. Comme pour le paludisme. Mais c’est un investissement à moyen voire long terme.
Pour écouter l’interview de René Le Berre, cliquez ici.

  • Source : Entretien avec René Le Berre, 28 février 2006 - photo www.1.odn.ne.jp

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