L’amylose cardiaque : une maladie méconnue et mal diagnostiquée
02 juillet 2019
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Largement méconnue (des patients comme des praticiens), l’amylose cardiaque à transthyrétine est une maladie dont les symptômes rappellent ceux d’autres affections cardiovasculaires. Résultat, le diagnostic est souvent posé trop tard. Zoom sur cette pathologie qui, si elle ne peut être guérie, peut être stabilisée.
« Il y a encore 10 ans, les cardiologues ne connaissaient rien à l’amylose cardiaque », lance le Pr Olivier Lairez, cardiologue au CHU Rangueil de Toulouse. « Il faut absolument sensibiliser le grand public et le corps médical à l’amylose cardiaque. C’est un enjeu de santé publique».
L’amylose cardiaque, l’Alzheimer du coeur
« Il s’agit d’une pathologie potentiellement mortelle qui survient chez la personne âgée », répond le Pr Thibaud Damy, cardiologue au CHU Henri-Mondor (AP-HP). « Cette maladie est liée à nos propres protéines. Elles perdent leur stabilité et vont former des fibrilles, c’est-à-dire une agglomération de protéines. Ces fibrilles vont s’accumuler en dépôts normaux (dépôts amyloïdes), s’infiltrer dans différents organes – dont le cœur – et aboutir à leur dysfonctionnement. » C’est ce qui se passe dans le cas de la maladie d’Alzheimer. Le cerveau est atteint par cette accumulation toxique de protéines.
Dans le cas de l’amylose cardiaque, le cœur va se devenir 2 à 3 fois plus épais, il va se rigidifier. « C’est un peu comme s’il se transformait en pierre », explique Olivier Lairez. Le risque est alors d’être victime d’une insuffisance cardiaque.
Pas évidente à repérer
Problème de la maladie, ses symptômes sont souvent associés à la vieillesse : essoufflement, fatigue, œdème des membres périphériques… Des manifestations qui conduisent nombre de praticiens à passer à côté ! Mais d’autres signes, plus parlants, doivent alerter : des atteintes du canal carpien ou du canal lombaire en font partie. Tout comme « des ecchymoses sous les yeux, une macroglossie (une grosse langue), des ongles qui se fendillent… », explique la Fédération française de cardiologie sur son site.
Le diagnostic doit ensuite être posé. A ce sujet, d’énormes progrès ont été réalisés en 10 ans. « Auparavant il fallait réaliser une biopsie cardiaque », continue Olivier Lairez. « Ce qui était contraignant. Aujourd’hui, nous pouvons repérer la maladie grâce à… une simple scintigraphie osseuse ». Cet examen permet de visualiser au niveau du cœur les dépôts amyloïdes. Suivront des examens sanguins et urinaires afin de certifier le diagnostic.
Reste une question essentielle : comment soigner l’amylose cardiaque ?
« Il n’existe malheureusement pas de médicament pour guérir une amylose », déplore le Pr Damy. « Les options comprennent la prise en charge des symptômes et dans certains cas rares, les greffes du cœur. Mais les traitements actuels ont tendance à aggraver la maladie. »
L’espoir d’un traitement
La mortalité de l’amylose cardiaque à transthyrétine est ainsi de 50% à 3 ans. Mais des traitements stabilisateurs de la maladie peuvent changer la donne. Ainsi, en 2018, au Congrès de la Société européen de Cardiologie, une équipe a démontré l’intérêt d’un médicament, le Tafamidis (Vyndaqel® du laboratoire Pfizer) qui dispose d’une Autorisation de mise sur le marché (AMM) dans la prise en charge de la neuropathie amyloïde familiale.
« Dans le cadre d’une amylose cardiaque, avec le Tafamidis, les taux de mortalité et de ré-hospitalisation sont respectivement réduits de 30 et 32% », continue Thibaud Damy. C’est pourquoi, depuis la fin 2018, l’ANSM lui a accordé une recommandation temporaire d’utilisation (RTU) dans le traitement de l’amylose. Une rapidité de décision saluée par les 2 cardiologues !
A noter : Il existe deux grandes formes d’amylose cardiaque à transthyrétine : héréditaire (liée à une mutation génétique) et sauvage (ou sénile) liée à l’âge. Pour en savoir plus rendez-vous sur le site de l’Association française contre l’amylose (www.amylose.asso.fr).
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Source : Interviews des Pr Thibaud Damy et Olivier Lairez, 25 juin 2019
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Ecrit par : Vincent Roche – Editré par : Emmanuel Ducreuzet