Langage médical : trop d’anglais tue… le français
12 décembre 2012
Un check-up au lieu d’un bilan de santé. Un blister pour désigner l’encapsulage métallique de certains médicaments. Un strip pour parler d’un bandage. Dans le domaine de la terminologie médicale, les anglicismes prennent une place de plus en plus prégnante. Une situation qui inquiète la Société française de terminologie, d’autant plus que l’abandon du français se fait parfois au détriment des patients, ainsi privés d’une part d’informations.
Loïc Depecker est le Président de la Société française de terminologie. Sa mission, définie dans les colonnes du Journal officiel du 29 mai 1999, est de « promouvoir et de soutenir toute action en matière de terminologie et de disciplines associées ». « En 1987, les anciens responsables de la Société avaient recommandé au professeur Luc Montagnier : ‘Si vous découvrez un remède contre le SIDA, surtout choisissez un terme français pour le désigner’ » se souvient-il. La perte de vitesse des termes français ne date donc pas d’hier. « Rien d’étonnant. Dans la mesure où l’anglais est aujourd’hui la langue principale utilisée dans les communications scientifiques, les termes anglo-américains sont amenés à circuler davantage ».
La situation ne le dérangerait pas « s’il ne s’agissait que de communication entre spécialistes. Mais les patients aussi doivent être pris en considération ».
Des termes clairs…
Nombre de termes anglo-saxons en effet, sont aujourd’hui entrés dans le vocabulaire quotidien. « La question est de savoir comment les traduire » s’inquiète Loïc Depecker. « Ainsi du ‘binge drinking’. Devons-nous parler de ‘beuverie expresse’, de ‘cuite éclair’, ou ‘d’ivresse aiguë’ ? Sans compter les divergences d’interprétation, selon que l’anglais utilisé vient du Royaume-Uni, des États-Unis, d’Australie, du Japon voire de Chine ».
… pour éviter une mauvaise information
Pour Loïc Depecker, la bonne information du patient passe par des termes compréhensibles et dépourvus d’ambiguïté. « Prenons l’exemple de la fracture du col du fémur. En anglais, ce terme devient ‘Hip fracture’, ce qui signifie ‘fracture de la hanche’. La perte d’information est ici manifeste ». Avec le risque que le patient ne comprenne pas la stratégie thérapeutique qui va lui être proposée. Et par voie de conséquence, qu’il n’adhère pas – ou insuffisamment – au traitement.
Pour la Société française de terminologie, l’enjeu est là : « comment trouver le terme juste, simple et compréhensible ? » ? Et français… Pour ce faire, Loïc Depecker reconnaît être « en échange constant avec le Canada » où la francophonie tient une place des plus importantes.
Au Québec, ce processus de francisation est en effet quasi-automatique. C’est en fait l’Office québécois de la langue française qui est chargé « d’appliquer la Charte de la langue française pour faire en sorte que le français soit la langue normale et habituelle du travail, des communications, de l’enseignement, du commerce et des affaires ».
Martin Bergeron, son porte-parole nous a ainsi expliqué que « lorsque des mots d’une autre langue font leur apparition, les terminologues de l’Office font des recherches dans des ouvrages spécialisés pour vérifier si une terminologie française a été utilisée ou proposée. Au terme de ces recherches, l’Office diffuse dans le Grand dictionnaire terminologique le résultat de ses recherches, de ses créations néologiques ou encore des emprunts linguistiques qu’il convient d’accepter ».
Un exemple? Là où Loïc Depecker se demandait comment traduire le terme Binge drinking » en français, les Québécois ont déjà adopté depuis 2010 l’appellation « beuverie effrénée ». La « belle province » a donc beaucoup à nous apprendre.
Aller plus loin : Consultez le Grand dictionnaire terminologique mis en ligne par l’Office québécois de la langue française