Le burn out des enfants, ça existe ?
15 octobre 2020
Le burn out apparaît comme l’un des maux du siècle. Il toucherait d’ailleurs un public de plus en plus large. A tel point que certains psychologues sont formels : les enfants aussi peuvent être concernés. Alors comment se caractérise cet épuisement infantile ? Et est-il vraiment pertinent de parler de « burn out » pour les plus jeunes ? Le point avec le Pr Philippe Duverger, chef du service de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent au CHU d'Angers.
S’il reconnaît tout à fait la réalité de la situation, le Pr Duverger récuse d’emblée le terme de « burn out » pour caractériser un épuisement de l’enfant ou de l’adolescent. Selon lui, « c’est un abus de langage. Un terme fourre-tout. Ce n’est pas adapté au jeune public, ni une réalité diagnostique. Le burn out est un problème d’adulte et ce serait une erreur de projeter les problèmes des adultes sur les enfants. »
Mais alors de quoi parle-t-on lorsque l’on évoque cet épuisement ? « D’un mal être profond lié en partie à notre société », répond Philippe Duverger. « Les enfants sont de plus en plus soumis à une tyrannie de la performance (à l’école, au sport…) et de l’apparence. Il faut toujours faire mieux, immédiatement et à tout prix. »
Cela vient bien souvent d’une inquiétude parentale de l’échec. « On leur impose de savoir tôt ce que qu’ils veulent faire plus tard. Il faut être le premier pour espérer réussir. Parfois, les enfants ne sont plus des enfants, mais des adultes miniatures. On leur met la pression. Et forcément, ils se mettent la pression. Ils craignent de décevoir. Décevoir l’entourage et se décevoir eux-mêmes. » Un mal-être qui se retrouve principalement dans deux situations communes de la vie de l’enfant : au sport et à l’école.
Comment cela se manifeste-t-il ?
Des troubles anxieux peuvent voir le jour. Une fatigue inhabituelle, voire une asthénie, une irritabilité, une hyper-sensibilité, une hyper-susceptibilité ou bien encore un perfectionnisme poussé à l’extrême… prémices d’une dépression.
A ce stade, le Pr Duverger insiste sur le fait qu’il ne faut pas isoler l’enfant « On ne le met pas en arrêt comme dans le cas d’un burn-out. » On évite ainsi le risque du repli sur soi.
L’enfant doit verbaliser son mal-être, « car les parents n’en ont pas forcément conscience ». L’intervention d’un tiers peut permettre de relativiser et de mettre en lumière ce que les parents ne voient pas toujours.
Et concrètement ?
Il est primordial qu’enfants comme parents comprennent le droit à l’erreur. Ce n’est pas grave de se tromper. Pour les activités physiques, « l’enfant doit avant tout prendre du plaisir, ce qui, bien sûr, ne va pas toujours de pair avec la performance ».
Pour les mauvaises notes, il convient de comprendre avant de mettre la pression. Eviter les phrases du type « c’est pourtant facile, tes copains y arrivent… ». Il est important de s’interroger sur les causes des difficultés de compréhension.
« Les parents doivent en outre se questionner sur leurs propres attentes, sur la pression qu’ils renvoient », conclut Philippe Duverger. « Ils ne doivent pas oublier que la relation parents/enfants ne se limite pas aux devoirs du soir. Les enfants manquent bien souvent de moments simples, de jeux sans pression. »
Si la situation devait perdurer, notre spécialiste conseille enfin de consulter un professionnel sans attendre.
-
Source : Interview du Pr Philippe Duverger, 9 octobre 2020
-
Ecrit par : Vincent Roche – Edité par : Emmanuel Ducreuzet