Les cellules souches peuvent-elles guérir le diabète de type 1 ?
24 mars 2022
Greffer des cellules bêta issues de cellules souches dans le foie d’un patient diabétique afin qu’il produise lui-même son insuline et réduise le nombre d’injections quotidiennes. C’est la piste prometteuse qu’explorent plusieurs laboratoires de biotechnologies américains, et c’est un « progrès majeur de la science », selon le Pr Raphaël Scharfmann, directeur de recherche à l’Inserm/Institut Cochin. « Mais il faut aller doucement ».
S’injecter de l’insuline avec une seringue, une à cinq fois par jour. C’est le traitement de référence des personnes atteintes de diabète de type 1, qui ne parviennent pas à produire eux-mêmes cette insuline. En effet, explique le Pr Scharfmann, les personnes atteintes de ce type de diabète « autodétruisent les cellules bêta du pancréas, qui produisent l’insuline. Or, le rôle de ces cellules est non seulement de produire, mais aussi de stocker et sécréter l’insuline dans le sang. Sans insuline, le sucre reste dans le sang et produit un effet toxique ». D’où le recours à cette insuline exogène, qui est efficace mais présente bien des contraintes pour les patients.
Une autre approche thérapeutique consiste à remplacer ces cellules défectueuses en récupérant les cellules bêta d’un donneur pour les greffer à un receveur. Même si elle fonctionne assez bien, cette thérapie cellulaire présente plusieurs limites, selon le Pr Scharfmann : « la préparation des cellules pancréatiques est très difficile et le donneur doit être une personne décédée. Cette thérapie reste artisanale, on ne peut pas transplanter des milliers de patients ».
D’autant que ces patients sont, par nature, des « tueurs de cellules bêta », donc susceptibles de détruire les cellules greffées. Et que des médicaments immunosuppresseurs aux effets indésirables parfois graves sont nécessaires pour éviter les rejets.
Cellules bêta
D’où l’espoir suscité par le développement des thérapies cellulaires à partir de cellules souches embryonnaires. Le principe est de partir de ces « cellules à tout faire » pour, dans le cas du diabète de type 1, « en obtenir de grandes quantités et les guider vers un destin de cellules bêta. C’est comme si on avait un GPS : le point de départ, c’est la cellule souche ; le point d’arrivée, c’est la cellule bêta. »
De grands progrès ont été réalisés ces dernières années dans ce domaine, avec d’abord la compagnie américaine ViaCyte qui, chez la souris puis chez l’homme, est parvenue à générer des cellules pré-bêta à partir de cellules souches. Transplantées chez l’homme, ces cellules pré-bêta se sont transformées en cellules bêta et ont pu sécréter de l’insuline en petite quantité.
Traitement miracle ?
Une autre biotech américaine a présenté il y a quelques mois des résultats « très encourageants », dixit le Pr Scharfmann. En octobre dernier, Vertex a communiqué sur ce patient de 64 ans, dont le diabète de type 1 avait été « résorbé » grâce à un protocole mis au point à Harvard. « Cette biotech a réussi à produire des cellules bêta matures dans des boîtes de culture, et les a ensuite greffées dans le foie de ce patient diabétique ».
Avec succès, semble-t-il, pour le patient de 64 ans : trois mois après la greffe, il produisait lui-même de l’insuline, avait diminué sa glycémie et était en bonne santé. Surtout, il a considérablement réduit le nombre nécessaire d’injections quotidiennes d’insuline exogène. Le traitement miracle du diabète de type 1 a-t-il enfin été trouvé ?
« C’est un progrès majeur de la science, dans un cadre très contrôlé », s’enthousiasme le Pr Scharfmann. « Il y a 20 ans, je n’aurais jamais pensé qu’on en serait là aujourd’hui ». Pour autant, le spécialiste rappelle que le protocole a tout de même ses contraintes, puisqu’il implique un traitement immunosuppresseur à vie. Et surtout,
« il faut attendre. Dans un an, on aura sans doute des résultats plus solides. Avec une dizaine de patients par exemple, on pourra considérer que le protocole est reproductible (un essai clinique de 17 patients a été annoncé, ndlr) ». Car le risque, c’est de susciter de faux espoir chez les patients diabétiques : « tout a un bénéfice, un risque et un coût. Et il faut du temps pour évaluer tout cela ».